Discours préliminaire

DISCOURS PRELIMINAIRE

Où l’on donne quelques instructions sur la lecture de l’Écriture Sainte

 I - Réflexions sur la lecture de l’Écriture Sainte.

D’abord, on ne peut s’empêcher de déplorer la négligence de tant de personnes qui ne lisent point l’Écriture. On ne parlera pas ici de cette multitude innombrable de chrétiens parmi lesquels la Bible est un livre presque entièrement inconnu, leurs conducteurs n’en permettant la lecture qu’à de certaines personnes et avec de grandes précautions, comme s’il y avait du danger à mettre la parole de Dieu entre les mains de tout le monde. Mais sans entrer dans ces considérations, on se contentera de dire que parmi ceux-là mêmes à qui l’on recommande la lecture des livres saints, le plus grand nombre ne s’y applique point. Il est vrai que plusieurs ne sont pas en état de le faire, n’ayant pas appris à lire. C’est là un grand mal et il est honteux aux chrétiens que le nombre de ceux qui ne savent pas lire ait été jusqu’ici si grand parmi eux. On peut dire encore que bien des gens ne lisent pas la parole de Dieu parce, qu’étant pauvres, ils ne peuvent se procurer ce divin livre. Ce serait à ceux à qui Dieu a donné le bien d’y pourvoir, en en consacrant quelque partie à un usage aussi pieux, que le serait celui de fournir des Bibles à ces gens-là. On pourrait ajouter qu’un grand nombre de domestiques et d’autres personnes qui sont en service ne peuvent vaquer à cette lecture, qui leur serait pourtant si nécessaire, parce que leurs maîtres ne leur en donnent pas le temps. Mais on ne saurait assez condamner tant de chrétiens qui sont en état de lire la parole de Dieu et qui ne daignent pas le faire.

Dieu par un effet de sa profonde sagesse et de sa grande bonté a fourni aux hommes un moyen très parfait de s’instruire : c’est la révélation. Il a inspiré les prophètes et les apôtres et il a voulu que leurs écrits fussent conservés, afin que la vérité y subsistât toujours dans toute sa pureté et qu’elle ne fût pas altérée par l’oubli, par l’inconstance, par la négligence et par la malice des hommes. Ainsi, l’Écriture est le don le plus précieux que Dieu nous ait fait avec celui de son Fils. C’est un trésor où il a mis tout ce qui peut nous enrichir et nous rendre heureux. Ne faut-il pas faire bien peu d’estime de Dieu et de ses dons, pour ne pas se prévaloir de celui-ci. Et ne faut-il pas être bien présomptueux pour s’imaginer qu’on peut se passer d’un secours que Dieu lui-même a jugé si nécessaire. Les premiers chrétiens faisaient un usage ordinaire de l’Écriture Sainte et comme elle était lue régulièrement dans leurs assemblées, ils la lisaient aussi avec beaucoup d’assiduité dans leurs familles. Mais dans la suite, à mesure que l’ignorance et la superstition s’introduisaient, on abandonna l’Écriture.

On n’en donna plus de connaissance au peuple, on conserva bien la coutume d’en lire quelque portion dans l’église, mais cette lecture, se faisant dans une langue que le peuple n’entendait pas, elle était absolument inutile. Enfin, l’usage particulier de la parole de Dieu cessa entièrement, en sorte que cette divine lumière fut comme éteinte pendant plusieurs siècles. Il y a environ deux cents ans qu’elle fut tirée de dessous le boisseau où elle avait été cachée si longtemps. En divers lieux de la chrétienté, le peuple fut rétabli dans le droit de lire l’Écriture, mais la plupart de ceux qui pourraient jouir de ce droit ne s’en prévalent pas.

C’est de cette indifférence que l’on a pour la lecture des livres sacrés que procède l’ignorance dans laquelle le commun des chrétiens est engagé. C’est ce qui fait qu’ils n’ont que des connaissances fort superficielles des vérités et des devoirs du christianisme et que plusieurs en ont même des idées tout à fait fausses. C’est là la source de tant d’erreurs qui ont la vogue et de tant de sentiments libertins et impies qui se répandent de plus en plus, car dès qu’on laisse là l’Écriture, qui est l’unique règle de notre foi, pour suivre ses propres raisonnements, on ne peut manquer de s’égarer. C’est pour avoir abandonné l’Écriture qu’on a vu en divers lieux des personnes qui se croient inspirées et parvenues au plus haut degré de la piété et de la perfection tomber dans les sentiments les plus extravagants et même quelques fois les plus contraires à la pureté des mœurs. C’est enfin, à cette même cause que l’on doit attribuer le relâchement et la vie toute charnelle et toute mondaine des chrétiens. Tout cela vient de ce qu’on ne lit pas l’Écriture Sainte et qu’on n’en fait pas l’usage pour laquelle elle nous a été donnée. Il est vrai qu’on pourrait suppléer en quelque manière à cette négligence des chrétiens en faisant lire la parole de Dieu dans les assemblées religieuses. Et si l’on s’étonne de ce que le peuple ne la lit pas, il y a encore plus de quoi s’étonner que pendant si longtemps on n’ait pas pensé à rendre à la lecture des livres saints le rang qu’elle a toujours tenu dans le culte public, tant parmi les Juifs, que parmi les chrétiens. Mais quand même l’Écriture serait lue régulièrement dans l’église, cela ne suffirait pas, à moins que les chrétiens ne la lussent aussi dans leurs maisons. Les déclarations formelles de la parole de Dieu, la pratique de l’église, tant sous le Vieux que sous le Nouveau Testament et plusieurs raisons, que ce n’est pas ici le lieu de rapporter, établissent cette nécessité. La lecture particulière a même des avantages que la lecture publique n’a pas. En lisant en particulier on peut lire plus à loisir, considérer les choses avec plus d’attention, y revenir plus d’une fois et s’en faire une juste application. C’est aussi le moyen de mieux profiter de ce qu’on entend en public, n’étant pas possible de bien comprendre ce qui se dit dans les instructions publiques et dans les sermons lorsqu’on ne possède pas l’Écriture. Outre cela, la lecture particulière nourrit la piété et la dévotion, mais ceux qui négligent [1]cette lecture tombent infailliblement dans l’indifférence et dans le dégoût pour les choses divines, ce qui ne peut être suivi que du relâchement dans les devoirs de la piété et de l’abandonnement à ses passions.

II - Des livres de vieux testament et leur utilité

Pour passer maintenant à la manière dont l’Écriture doit être lue, on fera ici quelques réflexions : Premièrement, sur les livres de l’Écriture Sainte et sur ses différentes parties et en second lieu sur les dispositions qu’il faut apporter à cette lecture. Des livres du Vieux Testament et de leur utilité.

Chacun sait que l’Écriture comprend le Vieux et le Nouveau Testament. Pour ce qui est des livres du Vieux Testament, qui ont été écrits avant la venue de Jésus-Christ, comme c’est la partie de la Bible qu’on lit le moins et que même une infinité de personnes ne la lisent point du tout, il est nécessaire de montrer ici l’utilité de ces livres-là. On se tromperait fort de croire qu’ils n’aient été donnés que pour les Juifs et que leur utilité ait cessé par rapport aux chrétiens.

Saint Paul dit : Que toutes les choses qui ont été écrites autrefois ont été écrites pour notre instruction. (a) Parlant de ce qui était arrivé au peuple d’Israël, il dit : que ces choses sont des exemples pour nous et qu’elles ont été écrites pour nous instruire, nous qui sommes parvenus aux derniers temps. (b) Jésus-Christ lui-même exhorte ses disciples, à sonder les Écritures, car, dit-il, c’est par elles que vous croyez avoir la vie éternelle et ce sont elles qui rendent témoignage de moi. (c)  Quand notre Seigneur parle ainsi, il recommande la lecture et la méditation des écrits de Moïse et des Prophètes et c’est ce qu’il fait en plusieurs autres endroits. C’est de la connaissance de ce qui est rapporté dans ces écrits que dépend l’intelligence des principaux articles de la religion chrétienne. On en a une preuve bien forte et bien remarquable dans les citations continuelles que Jésus-Christ et les apôtres font des histoires, des oracles et des passages du Vieux Testament. Il y a même des livres entiers dans le Nouveau Testament, que l’on ne saurait entendre si l’on n’a pas lu le Vieux Testament avec quelque attention, c’est ce qu’on peut dire surtout de l’épître aux Hébreux qui n’est autre chose qu’une comparaison entre la loi et l’Évangile. Mais pour mieux reconnaître l’utilité des livres du Vieux Testament, il faut faire attention à ce que ces livres contiennent. Il y en a de trois sortes, savoir des livres historiques, des livres dogmatiques et moraux et des livres prophétiques.

 **Des livres historiques

Les livres historiques sont les premiers en ordre. Ils commencent à la Genèse et ils finissent au livre d’Ester. On les appelle historiques parce qu’à la réserve de quelques endroits des livres de Moïse qui contiennent les lois que Dieu avait données aux Juifs, l’on n’y retrouve que des histoires. On y voit ce qui est arrivé de plus considérable dans le monde par rapport à la religion et au peuple de Dieu depuis la création jusqu’au retour de la captivité de Babylone. C’est par ces livres qu’il faut commencer. Il est à remarquer sur ce sujet que Dieu a voulu d’abord instruire son église par l’histoire. Cette manière d’instruire est la plus simple et la plus claire, elle est proportionnée à la portée de tout le monde. Les histoires sont toujours faciles à comprendre et à retenir. Les enfants même les entendent sans peine et c’est aussi par là qu’on doit jeter les fondements de leur instruction.

D’ailleurs, c’est sur l’histoire et sur des faits que toute la religion est fondée. C’est de l’histoire que l’on tire des preuves invincibles de la vérité et de la divinité de l’Écriture. Outre cela, les histoires du Vieux Testament renferment les doctrines et les devoirs de la religion. Elles nous proposent plusieurs beaux exemples où nous pouvons considérer la providence de Dieu, sa sagesse, sa bonté, sa justice, son amour envers les gens de bien, sa colère sur ceux qui l’offensent. Le chapitre XI de l’épître aux Hébreux est remarquable sur ce sujet. Saint Paul, voulant montrer quelle est la nature de la foi et quels en sont les effets, rassemble dans ce chapitre les exemples de foi, d’obéissance et de constance que l’on trouve dans la vie des patriarches et des personnes illustres qui ont vécu avant Jésus-Christ. Par où l’on peut reconnaître, combien la lecture et la méditation des histoires du Vieux Testament est utile aux chrétiens.

**Des livres dogmatiques et moraux

Les livres du Vieux Testament qu’on appelle dogmatiques et moraux sont le livre de Job, les Psaumes et les écrits de Salomon. Ces livres ne sont pas tout à fait si clairs que les livres historiques. On trouve, par exemple, dans le livre de Job et dans les Proverbes quelques endroits dont le sens n’est pas aisé à découvrir, ce qui vient le plus souvent du défaut des versions et de la difficulté qu’il y a d’exprimer dans les langues de notre temps des sentences extrêmement concises et des manières de parler figurées et fort différentes des nôtres. Mais si ces livres ont quelque obscurité dans ces endroits-là, cela n’empêche pas qu’on ne puisse les lire avec un grand fruit.

En général, on y trouve ces trois choses : la doctrine, la morale et des sentiments de dévotion et de piété. On y voit les principales doctrines de la religion, telles que sont celles-ci : qu’il y a un Dieu créateur du monde, que c’est lui qui gouverne tout par sa providence, qui dispense les biens et les maux, qui protège les gens de bien, qui punit les méchants, que ce Dieu tout juste rendra à chacun selon ses œuvres et d’autres doctrines semblables qui sont proposées dans ces livres et particulièrement dans celui de Job et dans les Psaumes avec beaucoup de clarté et soutenues par des exemples très instructifs. Ces livres contiennent d’admirables maximes de morale et des préceptes fort utiles sur les principaux devoirs de la religion, sur la justice, sur la charité, sur la pureté et la tempérance, sur la patience et sur les autres vertus. On y trouve, et surtout dans les Psaumes, de beaux sentiments de piété et d’excellents modèles de dévotion. On y voit combien nous devons être touchés de la grandeur de Dieu, avec quel respect il faut adorer cet être suprême, avec quelle attention et quel plaisir on doit méditer les merveilleux ouvrages de la création et de la providence, avec quelle ardeur et quelle reconnaissance nous devons célébrer ses perfections et le remercier de ses bienfaits, l’estime que nous devons faire des saintes lois du Seigneur et les avantages incomparables que la piété procure à ceux qui s’y adonnent. Nous y apprenons à nous confier en Dieu, à l’invoquer dans l’adversité, à nous soumettre avec résignation à sa volonté, à recourir à sa miséricorde par la repentance quand nous l’avons offensé. Ainsi, la lecture de ces livres-là est très propre pour diriger et pour enflammer la dévotion.

 **Des livres prophétiques

Les livres prophétiques sont les écrits des prophètes, depuis Esaïe jusqu’à Malachie. On les nomme prophétiques parce qu’ils contiennent principalement des prophéties ou des prédictions. Ce n’est qu’il n’y ait pas dans ces livres des histoires très remarquables, comme dans Jérémie, dans Daniel et dans Jonas et qu’ils ne renferment aussi diverses instructions morales, telles que sont les exhortations et les remontrances des prophètes. Mais les prophéties sont la principale partie de ces livres-là. Et ces prophéties sont de trois sortes. Il y en a qui regardent Jésus-Christ et l’église Chrétienne, il y en a d’autres qui concernent les Juifs et il y en a enfin qui marquent ce qui doit arriver aux autres peuples et dans les empires du monde.

Quand on lit ces oracles des prophètes, on y trouve d’abord de l’obscurité, mais cela ne doit pas surprendre. Il faut considérer premièrement que toute prophétie doit être obscure, au moins à certains égards avant l’événement. Non seulement il n’était pas nécessaire pour le salut des fidèles de ce temps-là que les oracles fussent clairs pour eux et qu’ils les entendissent parfaitement, mais le sens en a dû être caché. La profonde sagesse de Dieu et les merveilles de sa Providence paraissent avec bien plus d’éclat quand on fait réflexion qu’il a accompli ses desseins et les prédictions des prophètes sans que les hommes le sussent et par des moyens auxquels personne n’aurait pensé. D’ailleurs si ces prédictions eussent été tout à fait claires dans toutes les circonstances les hommes auraient pu mettre des obstacles à l’exécution des desseins de Dieu, à moins qu’il n’eût fait des miracles continuels et changé l’ordre du monde. Ainsi, c’est avec une grande sagesse qu’il a répandu quelque obscurité sur les prophéties.

Il faut savoir après cela que ce qui était autrefois obscur est devenu clair par l’événement. La plupart des oracles qui regardaient la venue de Jésus-Christ, ses souffrances, son règne, la réjection des Juifs et la vocation des gentils sont maintenant faciles à entendre. Les prédictions qui se rapportaient aux Juifs et qui marquaient la ruine de Jérusalem et leur dispersion qui devait arriver premièrement par les Assyriens et les Babyloniens et ensuite par les Romains peu après la venue de notre Seigneur, ces prédictions-là n’ont aucun embarras, l’événement les ayant parfaitement éclaircies. Pour ce qui est de celles qui concernaient les autres peuples et les empires du monde, telles que sont les prophéties d’Esaïe, depuis le chapitre XIII et les célèbres prédictions de Daniel, elles sont plus difficiles à entendre parce que la plupart de ceux qui les lisent ne savent pas l’histoire de ces peuples et de ces temps-là, mais elles sont tout à fait claires pour ceux à qui cette histoire est connue. Outre cette obscurité qui vient des choses mêmes dont les prophètes parlent, il y en a une autre qui naît du style de ces hommes divinement inspirés. Ils s’exprimaient d’une manière figurée. Ils employaient diverses images et des façons de parler fort éloignées de l’usage de notre temps. Mais avec quelque secours, tel qu’est celui qu’on a tâché de donner dans cet ouvrage et dès qu’on est un peu accoutumé au langage des prophètes, on peut aisément voir ce qu’ils veulent dire. Après tout, s’il y a des endroits dans leurs écrits que l’on ne comprenne pas bien, on peut sans préjudice de salut en ignorer le sens. Mais on a grand tort de négliger comme on fait la lecture des prophéties.

Si les chrétiens les lisaient et les méditaient, ils en verraient sortir une lumière qui les frapperait. Ils y découvriraient des beautés qui leur sont inconnues et ils se sentiraient tout autrement pénétrés de la vérité et de l’excellence de la religion qu’ils ne le sont. En effet, on ne saurait rien imaginer qui puisse nous convaincre avec plus d’évidence et avec plus de force qu’il y a un Dieu qui conduit toutes choses et qui nous parle dans les Écritures, que ces prophéties si anciennes qui étaient déjà entre les mains des Juifs telles que nous les avons plusieurs siècles avant la venue de notre Seigneur et qui ont été si exactement accomplies. C’est pourquoi Saint Pierre recommande aux chrétiens la lecture et la méditation des prophéties comme un moyen tout à fait propre à affermir leur foi.

Nous avons ainsi la parole des prophètes qui est très ferme, à laquelle vous faites bien de vous attacher comme à une lampe qui éclairait dans un lieu obscur en attendant que le jour vînt à luire et que l’étoile du matin se levât dans vos cœurs. (a)[2]

III. Des livres du Nouveau Testament

Le Nouveau Testament est la partie de l’Écriture dont il importe le plus aux chrétiens d’avoir la connaissance. À comparer le Vieux Testament avec le Nouveau, ce dernier est le plus clair et le plus parfait. Car, quoique la doctrine de l’Évangile soit la même dans le fond que celle de Moïse et des prophètes, il est pourtant certain que les vérités divines, les devoirs, les promesses, les menaces sont proposées avec plus de clarté et de force dans le Nouveau Testament. Non seulement l’Évangile a dissipé les ombres de la loi et mis en évidence ce qui n’était révélé qu’en partie avant Jésus-Christ, mais il nous enseigne plusieurs choses que les anciens fidèles ignoraient et que les prophètes eux-mêmes ne connaissaient pas comme notre Seigneur le remarque dans l’Évangile. (b) De là vient que Saint Paul appelle ces choses-là des Mystères, ou des choses cachées qui avaient été inconnues dans les siècles précédents. (c) Il ne faut pas être surpris si l’on trouve dans l’Évangile plus de lumière que dans la loi. C’est Moïse et ce sont les prophètes qui parlent dans le Vieux Testament, mais dans le Nouveau Testament, c’est Jésus-Christ le fils de Dieu, duquel Dieu a dit : C’est ici mon fils bien-aimé, écoutez-le. (d)[3] Saint Paul marque cette différence lors qu’il dit : Que Dieu a autrefois parlé à nos pères à diverses fois et en plusieurs manières par les prophètes, mais qu’il nous a parlé dans les derniers jours par son fils. (e)

**De l’Évangile

Le Nouveau Testament comprend l’Évangile avec les Actes des Apôtres et les Épîtres. De ces deux parties, l’Évangile est la première en ordre et en dignité. Nous y trouvons premièrement les discours de notre Sauveur tels qu’ils sont sortis de sa bouche sacrée, la doctrine très sainte et très parfaite qu’il a enseignée aux hommes pour leur apprendre à connaître Dieu et à le servir en esprit et en vérité, les devoirs dont il recommande l’observation à ses disciples, les peines et les récompenses de la vie à venir et tout cela dans un degré d’évidence et de force qu’on ne trouve nulle part ailleurs. On y lit le récit de ses miracles dans lesquels on voit éclater sa puissance divine et en même temps sa grande bonté, car ces miracles n’ayant été que des bienfaits. On doit faire une grande attention aux miracles de notre Seigneur quand on lit l’Évangile, puisque c’est la voie que Dieu choisit pour montrer aux hommes que Jésus était le Messie. Nous voyons enfin dans l’Évangile la vie toute sainte de ce grand Sauveur, son zèle et son obéissance à la volonté de son Père, sa grande charité envers les hommes, sa douceur, son humilité, sa sincérité, sa pureté, sa patience, son renoncement au monde. Toutes ces vertus qui brillent dans sa vie sont réunies dans sa mort et cela au plus haut degré.

Enfin, l’Évangile joint à l’histoire de la mort de Jésus-Christ celle de sa résurrection et de son ascension qui sont le fondement de notre foi et de notre espérance. Il paraît de là que l’Évangile est la partie la plus considérable de Nouveau Testament. Aussi a-t-on toujours regardé dans l’église la lecture de l’Évangile comme très importante et tout de même que les Juifs, quoi qu’ils lussent les écrits des prophètes et qu’ils les reçussent comme divins, avaient une vénération singulière pour la loi de Moïse et lui donnaient le premier rang, les chrétiens ont aussi toujours eu pour l’Évangile un respect particulier. De là vient l’ancienne coutume de se lever et d’être debout quand on lit l’Évangile dans l’église et celle d’expliquer l’Évangile tous les dimanches de l’année.

On voit dans les Actes des apôtres comment l’Évangile fut prêché après l’ascension de Jésus-Christ, tant à Jérusalem et dans les lieux voisins, qu’en plusieurs endroits du monde. La lecture de ce livre est fort utile et comme il ne contient que des histoires, il est assez clair.

 **Des Épîtres

Les Épîtres qui sont des lettres que les apôtres ont écrites aux églises de leur temps ou à certaines personnes font aussi parties des livres sacrés du Nouveau Testament. Saint Pierre nous apprend que du vivant des apôtres, on mettait déjà les Épîtres de Saint Paul dans le rang des divines Écritures. (f)[4] Ce serait se tromper grossièrement de croire que l’Évangile suffit et que l’on peut se passer des

Épîtres. On trouve dans les Épîtres l’explication de plusieurs articles qui y sont éclaircis plus particulièrement que dans l’Évangile, en sorte que l’Évangile est plus clair, à divers égards, quand on y joint les Épîtres.

En effet, Jésus-Christ ne trouvait pas toujours à propos de s’expliquer nettement et précisément sur divers points. Il enveloppait souvent sa pensée sous des expressions figurées ou sous des similitudes qui avaient quelque obscurité et qui ne devaient être claires qu’après son ascension. (g) Il y avait même diverses choses que Jésus-Christ ne disait pas à ses apôtres pendant qu’il était sur la terre et qui par conséquent ne se trouvent pas dans l’Évangile. Voici comment il leur parlait : J’ai plusieurs choses à vous dire, mais vous ne pouvez pas les porter maintenant ; mais quand l’esprit sera venu, il vous annoncera les choses à venir. (h)

Les apôtres furent beaucoup plus éclairés après qu’ils eurent reçu le Saint-Esprit qu’ils ne l’étaient auparavant. Ainsi, nous trouvons dans leurs écrits de grandes lumières et diverses choses très utiles et même tout à fait nécessaires pour notre instruction. Ce qu’il y a de principal à observer pour bien entendre les Épîtres, c’est l’occasion et les vues dans lesquelles les apôtres les ont écrites. Ils y traitent divers sujets selon que les temps où ils vivaient et les besoins des églises le demandaient, mais ce qu’ils disent sur ces sujets-là sert à éclaircir plusieurs points de la religion. En général, ils s’y proposent de conserver dans les églises chrétiennes, qui avaient été fondées depuis peu, la pureté de la doctrine et la pureté des mœurs et de munir les fidèles contre les erreurs que diverses personnes sorties d’entre les Juifs ou d’entre les païens s’efforçaient de répandre et par lesquelles elles corrompaient la doctrine et la morale de l’Évangile. Le grand but des apôtres dans toutes les Épîtres est de porter les chrétiens à persévérer dans la foi et dans une vie sainte. Elles finissent toutes par des exhortations à la pratique des vertus et des devoirs de la religion. Il y en a même qui n’ont été écrites que dans cette vue, telles sont particulièrement les Épîtres qu’on appelle catholiques, dans lesquelles, à la réserve de certains endroits où les apôtres touchent quelques articles de doctrine, on ne trouve que des préceptes de morale et des exhortations à la sainteté.

 IV – Des dispositions avec lesquelles il faut lire l’Écriture Sainte.

Par ce qui vient d’être dit, on voit que la lecture des livres du Vieux et du Nouveau Testament est une source abondante d’instruction et d’édification. Mais pour en tirer cette utilité, il faut que l’esprit et le cœur soient bien disposés quand on les lit. On pourrait lire l’Écriture, même avec assiduité et le faire cependant sans aucun fruit si on ne lisait que pour lire et par besoin d’acquit seulement. Il en est de la lecture comme de la prière et des autres actes de la religion qui ne servent de rien et qui tournent même en péché lors qu’on n’y apporte pas les dispositions qui doivent les accompagner.

 Avec attention

La première est l’attention. C’est-à-dire que quand on lit, il faut que l’esprit soit libre, tranquille et vide d’autres pensées. On doit surtout prendre garde que le cœur ne soit pas possédé par les passions, car c’est principalement du cœur et des passions que procèdent les distractions et le manque d’attention dans la lecture, aussi bien que dans la prière, l’esprit revenant toujours aux choses dont le cœur est occupé. À cause de cela, il est bon de choisir pour la lecture un temps où l’on ne soit pas occupé par d’autres choses et particulièrement le matin. Il importe aussi de se recueillir avant que de commencer la lecture et de s’exciter à l’attention en pensant sérieusement à ce qu’on va faire et en considérant que, quand nous lisons l’Écriture, Dieu nous parle et que c’est par le moyen de sa parole qu’il veut nous conduire à la vie éternelle et nous rendre heureux. Outre cela, pour lire avec attention, il faut lire à loisir. Certaines personnes se piquent de lire beaucoup et de parcourir toute l’Écriture en peu de temps, mais la lecture ne devient profitable que par l’attention qu’on y donne, par la méditation et par les réflexions qu’on y fait. Il en est de la lecture, qui est la nourriture de l’âme, comme de la nourriture du corps qui ne peut conserver la vie et les forces, à moins qu’elle ne soit mâchée et digérée. Ainsi, il faut éviter la précipitation, ne rien faire à la hâte et se donner le loisir de bien considérer et de bien peser ce qu’on lit. Pour cet effet, les lectures ne doivent pas être trop longues et il vaut mieux ne pas tant lire à la fois, quoi que pourtant il y ait quelque différence à faire à cet égard. Quand on lit des histoires, on peut lire davantage et aller plus vite. Une histoire est plus liée, elle ne transporte pas l’esprit d’un sujet à un autre, la suite de la narration attache, elle soutient l’attention et l’on retient aussi mieux ce qu’on a lu. Mais lorsqu’on lit des chapitres de doctrine ou de morale, comme dans le livre de Job, dans les Proverbes et dans les Épîtres, on ne peut pas faire de si longues lectures parce que chaque verset demande une considération particulière, ainsi il faut lire moins et plus lentement.

 Avec assiduité

On doit lire fréquemment et assidûment. Ce n’est que par une lecture fréquente qu’on peut se rendre l’Écriture familière et en acquérir une connaissance suffisante. En la lisant souvent et régulièrement, on a occasion de la méditer toujours davantage. Mais ceux qui ne la lisent que rarement ne se rempliront jamais l’esprit et moins encore le cœur de ce qui est contenu dans les livres sacrés. Outre cela, une lecture assidue et exacte donne toujours plus de goût pour la parole de Dieu, étant certain que plus on la lit, plus on la médite et plus on y trouve d’onction et de beauté, plus elle éclaire l’esprit, plus elle réjouit et sanctifie le cœur. Un chrétien doit donc faire de cette divine parole son étude ordinaire, la méditer jour et nuit et comme il prend tous les jours la nourriture du corps, il doit aussi donner chaque jour à son âme la nourriture céleste qui fait vivre éternellement.

 Avec discernement

Il faut lire avec discernement, et cela, tant pour bien entendre le sens de l’Écriture que pour en comprendre l’usage. Autrement on la lirait sans fruit et on pourrait même se tromper dangereusement. Premièrement, on a besoin de discernement pour bien juger comment et en quel sens ce qu’on lit est la parole de Dieu. Tout de même qu’il y a des actions qui sont récitées dans l’Écriture, non afin que nous les imitions, mais plutôt pour nous en donner de l’horreur ; aussi on y trouve bien des choses qui n’ont pas été mises par écrit pour servir de règle à nos sentiments et à notre conduite. Les auteurs sacrés rapportent quelquefois les discours et les sentiments des méchants. On trouve dans Malachie ces paroles : C’est en vain qu’on sert Dieu et que gagne-t-on à garder ce qu’il a commandé. Et on lit dans une des Épîtres de Saint Paul, cette maxime des profanes et des gens sensuels : Mangeons et buvons, car nous mourrons demain. Mais quand on lit ces endroits-là et d’autres semblables, il faut se souvenir, que ce sont des impies qui parlent de la sorte. Les personnes mêmes dont la piété est louée dans l’Écriture n’ont pas toujours parlé et agi d’une manière conforme à la piété. Ainsi, quand on lit que David jura d’exterminer la maison de Nabal, il faut penser qu’il pécha en cela. Les discours des amis de Job, quoique très beaux et très instructifs, ne sont pas à approuver en tout, car l’est dit que Dieu fut irrité contre eux, parce qu’ils n’avaient pas parlé comme il faut.

Ce discernement est aussi nécessaire pour juger en quel sens ce qu’on lit doit être pris, sans quoi l’on s’abuserait souvent. Par exemple, lorsque Moïse dit que : Dieu endurcit le cœur de Pharaon, l’on pourrait croire que l’endurcissement des hommes vient de Dieu et qu’il en est la cause, ce qui serait un sentiment détestable et blasphématoire. Quand Saint Paul dit que : Jésus-Christ nous a affranchis de la loi, qu’il a aboli l’obligation qui était contre nous dans les ordonnances de la loi, qu’on est justifié sans les œuvres de la loi, il faut savoir dans quel sens il le dit, autrement on tomberait dans la fausse et pernicieuse pensée de croire que les chrétiens sont dispensés de garder la loi morale et que les bonnes œuvres ne sont pas nécessaires. On entend tous les jours les pécheurs et les libertins s’autoriser et s’excuser par des passages de l’Écriture pris dans un sens faux. Les hommes ignorants et peu affermis tordent ce divin livre à leur propre perdition, (a)[5] comme Saint Pierre le disait déjà en son temps. Les exemples en sont infinis. Cela fait voir combien il importe de lire l’Écriture avec un sage et juste discernement.

L’un des principaux moyens de ne pas se tromper sur le sens de l’Écriture c’est d’avoir toujours devant les yeux le but des auteurs sacrés, d’examiner à quelle occasion et dans quelle vue ils parlent, de faire attention à la liaison du discours, à ce qui précède et à ce qui suit et de confronter ce qu’on lit avec d’autres endroits qui peuvent servir à l’éclaircir. On se tromperait fort si l’on prenait tous les versets de l’Écriture séparément, comme si c’étaient autant de sentences détachées et qui eussent chacune leur sens à part, à peu près comme les sentences du livre des Proverbes. Il ne faut jamais perdre de vue le dessein et le but du discours si l’on veut découvrir le véritable sens de la parole de Dieu. C’est à quoi l’on doit surtout prendre garde dans les livres et dans les chapitres dogmatiques et en particulier dans les Épîtres, et c’est aussi par cette considération que l’on a été obligé d’étendre un peu les arguments de ces chapitres-là.

Si le discernement dont on vient de parler est nécessaire pour entendre l’Écriture, il ne l’est pas moins pour en découvrir l’usage. Il faut savoir sur cela que le grand but de l’Écriture et de l’usage auquel elle est destinée c’est de produire en nous la foi et l’amour de Dieu et de nous conduire par ce moyen à la vie éternelle.

Ces choses sont écrites, dit Saint Jean, afin que vous croyiez que Jésus est le Christ le fils de Dieu et qu’en croyant vous ayez la vie par son nom. (b)

Saint Paul dit encore : Que toutes les choses qui ont été écrites autrefois ont été écrites pour notre instruction, afin que par la patience et par la consolation que les Écritures donnent nous retenions l’espérance. (c) [6] C’est là l’effet naturel de toutes les parties de la révélation. Les doctrines et les vérités nous sont proposées afin que nous les recevions avec foi, qu’elles purifient nos cœurs et qu’elles nous portent à aimer Dieu et à le craindre. Les commandements ne nous sont donnés qu’afin que nous les observions. Les promesses et les menaces ne tendent qu’à nous détourner du mal et à nous porter au bien. C’est à cela que servent les exemples que l’Écriture nous met devant les yeux.

Ainsi dans toutes les lectures qu’on fait, il faut toujours y chercher ce qu’il y a de propre, premièrement à nous éclairer et à nous instruire et ensuite à nous sanctifier et à nous conduire à Dieu, en sorte que ce que nous lisons nous excite toujours davantage à la piété et nous dispose de plus en plus à bien vivre. De plus, il importe que chacun remarque dans l’Écriture ce qui peut le concerner en particulier et ce qui a du rapport à ses besoins et à l’état dans lequel il se trouve. C’est dans cette juste application qu’on se fait à soi-même de ce que la parole de Dieu contient que consiste le légitime usage de ce livre. Saint Jaques l’enseigne, lors qu’il dit : Qu’il en est de celui qui écoute la parole, comme d’un homme qui regarde son visage dans un miroir, que les auditeurs oublieux, après s’être regardés dans ce miroir oublient aussitôt comment ils sont faits au lieu que les auditeurs sages et fidèles sont ceux qui considèrent et méditent attentivement cette parole et qui mettent en pratique ce qu’elle ordonne. (d)[7] Par où cet apôtre montre que l’obéissance et la pratique est le but auquel il faut rapporter l’Écriture Sainte, que nous ne devons la lire et l’écouter que dans la vue de devenir plus gens de bien et que celui qui n’en fait pas cet usage se trompe et s’abuse lui-même.

 Avec soumission et obéissance de foi

L’Écriture doit être lue avec soumission et obéissance de foi. En effet, puisque c’est Dieu qui nous y parle, tout ce que nous avons à faire c’est en premier lieu de bien nous assurer du sens de l’Écriture et de la bien entendre, ce qui n’est jamais difficile dans les choses nécessaires pour le salut et après cela de recevoir avec soumission tout ce qu’elle nous dit et d’y conformer notre croyance et notre conduite. Ainsi, quand nous lisons les histoires qui y sont rapportées, nous devons les croire aussi fermement que si nous voyons les événements dont elles nous font le récit et nous le devons d’autant plus qu’il n’y a point d’histoire qui ait autant de preuves de sa vérité qu’en a l’histoire sainte.

Lorsque l’Écriture nous propose des doctrines et qu’elle nous ordonne de les croire, il faut les recevoir avec une pleine persuasion. Et quand même il y aurait dans ces doctrines-là quelque chose dont nous ne pourrions pas bien comprendre les raisons ou la manière, cela ne devrait pas nous faire de la peine, ni ébranler notre foi. Il faut considérer qu’il y a des vérités certaines, évidentes et dont on ne saurait douter et qui cependant, lorsqu’on veut les approfondir, ont des difficultés que personne ne résoudra jamais.

Ainsi, il est de la sagesse aussi bien que de la piété dans ces occasions-là de se défaire de l’esprit de curiosité et de laisser là les vains raisonnements et les recherches téméraires qui ne feraient que nous jeter dans le doute et dans l’incrédulité. Dieu a parlé, il n’en faut pas davantage. Quand nous lisons les commandements et les lois que Dieu nous donne dans sa parole pour servir de règle à notre conduite, notre devoir est de croire que l’observation de ces lois est absolument nécessaire et de nous y conformer. C’est ici, surtout où le sens de l’Écriture n’est jamais obscur et où il est impossible de se tromper, à moins qu’on ne s’aveugle volontairement. Ainsi, il n’y a pas d’autre parti à prendre que de se soumettre humblement et en simplicité de cœur à tout ce qu’il plaît à Dieu de nous commander, nous souvenant toujours qu’il a une souveraine autorité sur nous et qu’il ne nous prescrit rien qui ne tende à notre bonheur. Quand même ce que Dieu nous commande nous paraîtrait désagréable et fâcheux et serait opposé à nos passions et à nos inclinations les plus chères, il suffit que Dieu ait parlé et qu’il ait dit : Vous ferez ceci pour qu’il faille le faire, vous ne ferez pas cela pour qu’il faille s’en abstenir. Il faut alors imposer silence aux passions et ne point écouter les suggestions de notre propre cœur, car ce ne sont que les passions qui nous font trouver des difficultés dans ce que Dieu ordonne et qui nous suggèrent de fausses raisons pour nous dispenser d’obéir. Et si pour cela il faut résister à nos penchants et à nous faire violence à nous-mêmes c’est par là que nous ferons voir que la foi et l’amour de Dieu sont le principe de notre conduite. Ce n’est même qu’en résistant à nos inclinations et en surmontant nos répugnances que notre obéissance peut être éprouvée et que nous pouvons montrer que nous soumettons notre volonté à celle du Seigneur. Mais il est dangereux et tout à fait contraire à la foi de raisonner quand Dieu commande et de contester, soit sur la nature, soit sur la nécessité de nos devoirs. C’est pour bannir tous ces faux raisonnements, tous ces vains prétextes, par lesquels on prétend éluder les déclarations les plus expresses de la parole de Dieu que les apôtres ont accoutumé de dire lorsqu’il s’agit des lois par lesquelles nous serons jugés : Ne vous abusez point. Ne vous séduisez point vous-mêmes par de vains discours.

Enfin, cette soumission doit avoir lieu à l’égard des promesses et des menaces. Cela veut dire que lorsque l’Écriture nous parle de la félicité de la vie à venir ou des peines qui sont réservées aux méchants, nous ne devons pas plus douter de la certitude de ces promesses et de ces menaces que si nous en voyions déjà l’accomplissement et que si le grand jour des peines et des récompenses était déjà arrivé.  C’est là un des principaux effets de la foi : Elle rend présentes les choses qu’on espère et elle donne une pleine conviction de celles qu’on ne voit point. (e)[8]

Voilà en quoi consiste cette obéissance de foi qui doit accompagner la lecture de l’Écriture Sainte.

Sans cela, on la lit et on l’écoute en vain. La parole ne sert de rien lors qu’elle n’est pas mêlée avec la foi dans ceux qui l’entendent. (f)

Avec piété et dévotion

La dernière disposition qu’on doit apporter à cette lecture c’est la piété et la dévotion. Cette disposition est la principale et elle renferme toutes les autres. Il faut que celui qui lit l’Écriture aime la vérité et la vertu, qu’il ait le cœur porté au bien et une intention sincère de connaître la volonté de Dieu et de la faire. Cette droiture d’intention est ce que notre Seigneur appelle dans l’Évangile un cœur honnête et bon qui fait que l’on retient la parole et qu’on en rapporte le fruit avec persévérance. (g) C’est ce qui rend l’esprit attentif et ce qui donne ce sage discernement qui est si nécessaire pour bien connaître ce que Dieu veut que nous sachions et que nous fassions pour être sauvés. Avec cette intention on entre toujours dans le vrai sens de l’Écriture et on en découvre les beautés. Jésus-Christ nous l’apprend par ces paroles si remarquables : Si quelqu’un veut faire la volonté de Dieu, il connaîtra ma doctrine. (h) Dieu se révèle à ceux qui le cherchent et c’est dans leurs cœurs qu’il répand les plus vives lumières de son esprit et les connaissances les plus salutaires.

Après cela, la lecture de l’Écriture Sainte demande un cœur plein de dévotion. La dévotion est nécessaire dans la prière de l’aveu de tous ceux qui ont quelque religion. Elle ne l’est pas moins dans la lecture. Quand Dieu nous parle dans sa parole, nous ne devons pas moins être pénétrés de ces sentiments tendres et affectueux, de respect, de zèle, de joie et d’amour, que la dévotion produit, que nous devons l’être quand nous lui parlons dans nos prières. La prière ne doit jamais être séparée de la lecture. On ne saurait mieux se disposer à écouter la voix de Dieu qu’en l’invoquant et en tenant son cœur élevé à lui. C’est en priant et en implorant avec humilité le secours du Saint-Esprit que l’on obtient cette grâce qui fléchit le cœur à l’amour de Dieu et à l’observation de ses lois. Ce n’est aussi que par-là que la lecture de l’Écriture Sainte peut nous devenir salutaire et nous conduire au but pour lequel le Seigneur l’a faite rédiger par écrit. Dieu veuille que les réflexions qu’on vient de faire et celles qui sont répandues dans le corps de cet ouvrage produisent cet effet sur ceux qui les liront !

 Fin du discours préliminaire de Jean Fréderic OSTERVALD, 1771

 

[1] (a) Rom XV. 4. (b) I Cor X.11 (c) Jean V.39

 [2] (a) 2 Pier I.19. (b) Math XIII. 17. I. Pier. I.10 et II.12 (c) Ephes III. 4.5.6

 [4] (d) Math XVII.5 (e) Hbr.I.2 (f) 2 Pier III.26. (g) Math.XIII.11 (h) Jean XVI.12.13

 [5] (a) 2 Pier III.16. (b) Jean XX.31 (c) Rom. XV.4 (c)

 [7](d) Jaq I

[8] (e) Hebr XI.2. (f) Hebr IV.2 (g) Luc VII.15.  (h) Jean VII.17