LE LIVRE DE JONAS

ARGUMENT

Jonas vivait du temps de Jéroboam second, roi d’Israël. Il fut envoyé de la part de Dieu à Ninive, qui était la capitale de l’empire des Assyriens, pour annoncer la ruine de cette ville et l’on voit dans ce livre quel fut le succès de son ministère. Jonas a aussi prononcé d’autres prophéties que celles qui sont contenues dans ce livre, comme cela se recueille du livre II des Rois, au chapitre XIV. C’est le seul d’entre les prophètes, dont nous avons les écrits, qui ait été envoyé à une nation étrangère. Au reste, ce que notre Seigneur dit dans l’Évangile confirme la vérité de ce qui est contenu dans ce livre et montre que Jonas était un prophète envoyé de Dieu.

Chapitres  CHAPITRE I. CHAPITRE II.  CHAPITRE III.  CHAPITRE IV.  LIVRES DU VIEUX TESTAMENT

CHAPITRE I.

Dieu envoie Jonas à Ninive, mais ce prophète, craignant d’y aller, s’embarque sur la mer pour s’enfuir à Tarscis. Dieu excite une grande tempête et Jonas est jeté dans la mer pour apaiser l’orage.

1 La parole de l’Éternel fut adressée à Jonas fils d’Amittaï, et il lui dit :

2 Lève-toi, et t’en va en la grande ville de Ninive, et crie contre elle ; car leur malice est montée jusqu’à moi.

3 Mais Jonas se leva pour s’enfuir à Tarscis de devant la face de l’Éternel ; et il descendit à Japho, où il trouva un navire qui allait à Tarscis, et ayant payé son passage, il y entra, pour aller avec eux à Tarscis, de devant la face de l’Éternel.

4 Mais l’Éternel éleva un grand vent sur la mer, qui y excita une grande tempête, de sorte que le navire était en danger de se briser.

5 Et les mariniers eurent peur, et crièrent chacun à son dieu, et ils jetèrent dans la mer la charge qui était dans le navire, pour le décharger ; mais Jonas était descendu au fond du navire, où il était couché, et dormait profondément.

6 Alors le maître pilote s’approcha de lui, et lui dit : Qu’as-tu, dormeur ? Lève-toi, et crie à ton Dieu, peut-être qu’il pensera à nous et que nous ne périrons point.

7 Et ils se dirent l’un à l’autre : Venez, et jetons le sort, afin que nous connaissions qui est la cause de ce mal qui nous est arrivé. Ils jetèrent donc le sort, et le sort tomba sur Jonas.

8 Alors ils lui dirent : Déclare-nous maintenant pourquoi ce mal nous est arrivé. Quelle est ta profession ? Et d’où viens-tu ? Quel est ton pays, et de quel peuple es-tu ?

9 Et il leur dit : Je suis Hébreu, et j’adore l’Éternel, le Dieu des cieux, qui a fait la mer et la terre.

10 Alors ces hommes furent saisis d’une grande crainte, et ils lui dirent : Pourquoi as-tu fait cela ? car ces gens-là avaient appris qu’il s’enfuyait de devant la présence de l’Éternel, parce qu’il le leur avait déclaré.

11 Et ils lui dirent : Que te ferons-nous, afin que la mer se calme à notre égard ? Car la mer s’agitait de plus en plus.

12 Et il leur répondit : Prenez-moi, et jetez-moi dans la mer, et la mer s’apaisera à votre égard ; car je sais que c’est à cause de moi que cette grande tempête est venue sur vous.

13 Et ces hommes voguaient, pour relâcher à terre ; mais ils ne pouvaient, parce que la mer s’agitait de plus en plus contre eux.

14 Ils crièrent donc vers l’Éternel, et ils dirent : Éternel ! nous te prions que nous ne périssions point maintenant à cause de l’âme de cet homme, et ne mets point sur nous le sang innocent ; car tu es l’Éternel, tu as fait en ceci comme il t’a plu.

15 Alors ils prirent Jonas, et le jetèrent dans la mer ; et la tempête de la mer s’arrêta.

16 Et ces gens-là craignirent l’Éternel d’une grande crainte, et ils offrirent des sacrifices à l’Éternel, et vouèrent des vœux.

REFLEXIONS

On doit remarquer en général sur ce livre que Dieu envoya Jonas aux Ninivites et aux Assyriens pour faire connaître à ces peuples, qui étaient idolâtres et ennemis des Juifs et qui devaient même dans peu détruire le royaume des dix tribus, que le Dieu d’Israël était le Dieu tout puissant et que ce serait ce même Dieu qui renverserait leur ville et leur empire, comme cela arriva au bout de quelque temps.

Il y a trois réflexions particulières à faire sur ce chapitre :

I. La première, que Jonas, n’osant pas aller exécuter sa commission à Ninive, voulut s’enfuir dans un pays éloigné. Ce fut là un effet de la faiblesse du prophète qui prévalut dans cette occasion sur sa piété. Ceux qui n’ont pas le courage de suivre leur vocation quand Dieu les appelle se rendent coupables d’un péché semblable à celui de Jonas, mais c’est ce que sont surtout les ministres du Seigneur, qui retenus par la honte ou par la crainte des hommes, n’osent pas leur parler de sa part.

II. La tempête qui surprit Jonas et ceux qui étaient embarqués avec lui et qui fut envoyée de Dieu nous apprend que c’est en vain que l’on pense se dérober à sa connaissance et se soustraire à son autorité, il poursuit et il trouve partout ceux qui refusent de lui obéir et où qu’ils soient, ils ne sauraient échapper à sa justice.

III. Il faut remarquer que Jonas fut découvert par le sort et jeté dans la mer pour faire cesser l’orage. Par-là Dieu voulait punir ce prophète de sa désobéissance, lui faire sentir la grandeur de sa faute et l’obliger à la confesser en présence de ses compagnons de voyage et à la réparer dans la suite en allant à Ninive. Dieu se proposait aussi de donner de la crainte à ces idolâtres, qui étaient avec Jonas dans le vaisseau et de les engager à révérer et à publier le pouvoir de Dieu dont Jonas était le ministre, ce qu’ils firent aussi après que la tempête fut calmée.

Au reste, ce qui arriva dans cette occasion fait voir que le sort, aussi bien que tous les autres événements, est soumis à la providence divine.

CHAPITRE II.

Jonas, ayant été jeté dans la mer, est englouti par un grand poisson dans le ventre duquel il resta trois jours et trois nuits. Il fait sa prière à Dieu, il le remercie de ce qu’il l’avait délivré et le poisson le porte sur le rivage.

1 Mais l’Éternel avait préparé un grand poisson pour engloutir Jonas, et Jonas demeura dans le ventre du poisson trois jours et trois nuits.

2 Et Jonas fit sa requête à l’Éternel son Dieu dans le ventre du poisson.

3 Et il dit : J’ai crié à l’Éternel à cause de ma détresse, et il m’a exaucé ; je me suis écrié du ventre du sépulcre, et tu as entendu ma voix.

4 Tu m’avais jeté au profond, au cœur de la mer, et le courant m’avait environné, tous tes flots et toutes tes vagues avaient passé sur moi ;

5 et j’avais dit : Je suis rejeté de devant tes yeux ; cependant je verrai encore le temple de ta sainteté.

6 Les eaux m’avaient environné jusqu’à l’âme ; l’abîme m’avait enveloppé de toutes parts ; les roseaux m’avaient entouré la tête.

7 J’étais descendu jusqu’aux racines des montagnes ; la terre avec ses barres était autour de moi pour jamais ; mais tu as fait remonter ma vie hors de la fosse, ô Eternel mon Dieu !

8 Quand mon âme se pâmait en moi, je me suis souvenu de l'Eternel, et ma requête est parvenue à toi jusqu’au palais de ta sainteté.

9 Ceux qui s’adonnent aux vanités fausses, abandonnent leur miséricorde.

10 Mais moi, je te sacrifierai avec une voix de louange, je rendrai ce que j’ai voué, car le salut est de l’Eternel.

11 Alors l’Eternel fit commandement au poisson, et il vomit Jonas sur le sec.

REFLEXIONS

La manière dont Dieu préserva Jonas en le faisant engloutir par un grand poisson après qu’il eut été jeté dans la mer est un nouveau miracle où l’on découvre la puissance de Dieu et en même temps sa bonté envers ce prophète.

I. C’est ainsi que Dieu fait voir sa miséricorde dans le temps qu’il donne des marques de sa justice et qu’en châtiant les hommes il se propose de les sauver et de les bénir.

II. La prière que Jonas fit à Dieu lorsqu’il l’eut fait remonter des gouffres de la mer, comme cela est dit au versets 7, et dans le temps que le poisson, qui l’avait englouti, allait le rejeter sur le rivage, marque la grande foi et la reconnaissance de ce prophète, aussi bien que sa repentance et son retour à son devoir.

III. La délivrance de Jonas, qui sortit du ventre du poisson, est une autre merveille où le pouvoir de Dieu et son amour paraissent avec éclat.

IV. Mais ce que nous devons principalement considérer dans cet événement, c’est que la manière miraculeuse dont Dieu rendu la vie à Jonas au troisième jour était une image très expresse de la mort et de la résurrection de notre Seigneur. C’est ce qu’il nous apprend lui-même dans l’Évangile où il dit : Comme Jonas fut trois jours et trois nuits dans le ventre d’un grand poisson, de même le fils de l’homme sera trois jours et trois nuits dans le sein de la terre et au troisième jour il ressuscitera.

CHAPITRE III.

Jonas est envoyé une seconde fois à Ninive. Il dénonce au peuple de cette grande ville qu’elle allait être renversée, de quoi le roi et les habitants de Ninive étant touchés, ils jeûnèrent et s’humilièrent, ce qui fit que Dieu les épargna.

1 Après cela la parole de l’Eternel fut adressée à Jonas pour la seconde fois, et il lui dit :

2 Lève-toi, et t’en va à Ninive la grande ville, et publies-y ce que je te commande.

3 Jonas se leva donc, et il s’en alla à Ninive, suivant l’ordre de l’Eternel. Or, Ninive était une très grande ville, de trois jours de chemin.

4 Alors Jonas commença d’entrer dans la ville le chemin d’un jour, et il cria en disant : Encore quarante jours, et Ninive sera renversée.

5 Et les hommes de Ninive crurent à Dieu, et ils publièrent un jeûne, et se vêtirent de sacs depuis le plus grand d’entre eux jusqu’au plus petit.

6 Car cela était parvenu jusqu’au roi de Ninive, qui se leva de son trône, ôta de dessus lui son vêtement magnifique, et se couvrit d’un sac, et s’assit sur la cendre.

7 Et il fit crier, et l’on publia dans Ninive par un édit du roi et de ses princes : Qu’aucun homme, ni bête, ni bœuf, ni brebis, ne goûtent d’aucune chose, qu’ils ne se repaissent point et ne boivent point d’eau ;

8 et que les hommes et les bêtes soient couverts de sacs, et qu’ils crient à Dieu de toute leur force ; et que chacun se convertisse de sa mauvaise voie, et de l’iniquité qui est en ses mains.

9 Qui sait si Dieu ne se repentira point, et s’il ne reviendra point de l’ardeur de sa colère, en sorte que nous ne périssions point ?

10 Et Dieu regarda à ce qu’ils avaient fait, et comment ils s’étaient détournés de leur mauvaise voie, et Dieu se repentit du mal qu’il avait dit qu’il leur ferait, et ne le fit point.

REFLEXIONS

Les réflexions que cette histoire nous présente sont les suivantes :

I. Que Jonas, qui n’avait pas osé aller à Ninive la première fois que Dieu le lui ordonna, y alla hardiment après qu’il eut senti les effets de la puissance du Seigneur.

Telle est l’utilité des châtiments de Dieu, ils ramènent les hommes de leurs égarements, ils réveillent surtout le zèle des gens de bien et les portent à s’acquitter mieux de leurs devoirs.

II. Dieu commanda à Jonas d’aller à Ninive et de dénoncer aux habitants de cette grande ville, qui était plongée dans l’idolâtrie, dans le luxe et dans la dissolution, une ruine prompte et entière. Ces avertissements que Dieu fit donner aux Ninivites marquaient :

- D’un côté, qu’il était irrité des crimes auxquels ils s’adonnaient et

- De l’autre, qu’il avait encore de la bonté pour ce peuple.

C’est ainsi que les péchés des hommes et particulièrement ceux qui se commettent dans les grandes villes et à la cour des princes, provoquent la colère de Dieu et que Dieu cependant, par un effet de sa miséricorde, fait menacer les hommes avant que de les punir, afin qu’ils préviennent ses jugements par la repentance.

III. Le roi et le peuple de Ninive, qui apparemment avaient été informés du miracle arrivé en la personne de Jonas s’humilièrent et se détournèrent de leurs péchés et Dieu s’apaisa envers eux.

Cela nous apprend que l’humiliation, le jeûne et la conversion sont un moyen très efficace pour détourner la colère du Ciel et que Dieu, étant infiniment bon, pardonne aux plus coupables dès qu’ils abandonnent leurs péchés.

Enfin, cette histoire doit nous rappeler ce que notre Seigneur dit dans l’Évangile : Ceux de Ninive s’élèveront au jour du jugement contre cette nation et la condamneront, parce qu’ils s’amendèrent à la prédication de Jonas et il y a ici plus que Jonas.

Par là nous pouvons juger de la condamnation des chrétiens, qui étant appelés à la repentance par la voix de Jésus-Christ, n’en auront pas profité.

CHAPITRE IV.

Jonas, voyant que Dieu avait épargné les Ninivites, s’afflige et souhaite la mort. Mais Dieu, pour lui faire comprendre qu’il avait tort de s’affliger ainsi, fit sécher une plante sous laquelle il s’était retiré.

1 Mais cela déplut extrêmement à Jonas, et il en fut fort affligé.

2 Et il fit sa requête à l’Eternel, et dit : Eternel ! je te prie, n’est-ce pas ici ce que je disais, quand j’étais encore en mon pays ? C’est pourquoi aussi je voulais m’enfuir à Tarscis ; car je connaissais que tu es un Dieu miséricordieux, pitoyable, lent à la colère, abondant en grâce, et qui te repens du mal dont tu as menacé.

3 Maintenant donc, Eternel ! retire, je te prie, mon âme ; car la mort m’est meilleure que la vie.

4 Et l’Eternel lui dit : Fais-tu bien de t’affliger ainsi ?

5 Et Jonas était sorti de la ville, et s’était assis du côté du devant de la ville, et il s’était fait là une cabane, sous laquelle il se tint à l’ombre, jusqu’à ce qu’il vît ce qui arriverait à la ville.

6 Et l’Eternel Dieu prépara un kikajon, et le fit monter au-dessus de Jonas, afin qu’il lui fît ombre sur la tête, et qu’il le délivrât de son mal ; et Jonas se réjouit d’une grande joie, à cause de ce kikajon.

7 Mais Dieu prépara pour le lendemain, quand l’aube du jour monterait, un ver qui frappa le kikajon, et il sécha.

8 Et quand le soleil fut levé, Dieu prépara un vent oriental et brûlant, et le soleil donna sur la tête de Jonas, de sorte qu’il tomba en défaillance, et qu’il pria pour son âme, demandant qu’il pût mourir, et qu’il dit : La mort m’est meilleure que la vie.

9 Et Dieu dit à Jonas : Fais-tu bien de t’affliger ainsi pour ce kikajon ? Et il répondit : J’ai raison de m’affliger ainsi, même jusqu’à la mort.

10 Et l’Éternel dit : Tu voudrais qu’on eut épargné le kikajon, pour lequel tu n’as point travaillé, et que tu n’as point fait croître ; car il est venu en une nuit, et en une nuit il est péri.

11 Et moi, n’épargnerais-je pas Ninive, cette grande ville, dans laquelle il y a plus de cent vingt mille créatures humaines, qui ne savent pas discerner leur main droite de leur main gauche, et outre cela plusieurs bêtes ?

REFLEXIONS

La tristesse que Jonas ressentit, lorsque Dieu eut épargné les Ninivites, était une de ces faiblesses qui se rencontrent quelquefois dans les personnes qui d’ailleurs ont de la piété et que Dieu leur pardonne. Ce déplaisir procédait au reste de la crainte que Jonas avait d’être exposé à quelque mauvais traitement dans ce pays-là et de passer pour un faux prophète, puisque ses menaces n’avaient pas été exécutées.

Il est à remarquer que Jonas, s’étant mis à l’ombre sous une plante, Dieu la fit sécher et que, comme ce prophète s’en affligeait, il lui fit voir combien il avait tort d’être dans l’amertume et dans la crainte à cause que Ninive avait été épargnée.

Ce que Dieu dit à Jonas dans cette occasion marque une grande bonté envers ce prophète. On y voit surtout sa miséricorde envers les hommes et même envers les petits enfants.

Ce Dieu tout bon ne hait aucune de ses créatures, et bien loin de les rendre malheureuses et de prendre plaisir à les voir dans la souffrance, il est porté à les épargner et leur faire du bien.

Cette bonté du Seigneur doit toucher nos cœurs d’amour et de reconnaissance envers lui, nous inspirer des sentiments de charité pour tous les hommes et nous engager à être miséricordieux comme notre Père qui est dans le Ciel est miséricordieux.