LE LIVRE DE JUDITH

Chapitres  CHAPITRE I. CHAPITRE II.  CHAPITRE III.  CHAPITRE IV.   CHAPITRE V.  CHAPITRE VI.  CHAPITRE VII.  CHAPITRE VIII.   CHAPITRE IX.  CHAPITRE X.   CHAPITRE XI.   CHAPITRE XII. CHAPITRE XIII.  CHAPITRE XIV.   CHAPITRE XV.   CHAPITRE XVI.  LIVRES DES APOCRYPHES.

CHAPITRE I.

Nabuchodonozor roi de Ninive fait la guerre contre Arpahaxad roi des Médes, 12. Et jure qu’il se vengera des nations qui ne l’avaient pas voulu suivre dans cette guerre. 

  1. La douzième année du règne de Nabuchodonozor, qui régna à Ninive la grande ville, Arphaxad, régnant sur les Mèdes à Ecbatane,
  2. Bâtit autour d'Ecbatane des murailles de pierres de taille de trois coudées de largeur et six de longueur, et il fit la hauteur de la muraille de soixante et dix coudées et la largeur de cinquante,
  3. Et posa les tours de la muraille sur ses portes, ayant cent coudées de hauteur.
  4. Il fit ses fondements de la largeur de soixante coudées, avec des portes élevées de la hauteur de cinquante coudées et longues de quarante, pour faire sortir ses puissantes armées et pour ranger ses gens de pied.
  5. En ces jours-là, le roi Nabuchodonozor fit la guerre contre le roi Arphaxad,
  6. Dans la grande campagne qui est sur les frontières de Ragau. Et tous les habitants des montagnes, et tous ceux qui demeuraient sur le fleuve d'Euphrate, et du Tigre, et d'Hydaspes, et le pays d'Arioch, roi des Eliméens, se joignirent avec lui ; plusieurs peuples aussi de la nation de Gelod se rendirent ensemble à ses armées.
  7. Et Nabuchodonozor, roi des Assyriens, envoya à tous les peuples de Perse, à tous ceux de la contrée occidentale, de Cilicie, de Damas, du Liban et de l'Antilibam, et à tous ceux qui demeuraient sur la côte de la mer ;
  8. Aux peuples de Carmel, de Galaad, de la haute Galilée, de la grande campagne d’Esdraëlon ;
  9. A tous ceux de Samarie, de ville en ville, et au-delà du Jourdain, jusqu'à Jérusalem et Béthane, Chellus, Cadès et le fleuve d’Égypte ; à Taphnès, à Ramassès, et à tout le pays de, Gésen jusqu'au chemin par où l'on vient dessus de Tanis et de Memphis ;
  10. Et à tous les habitants d'Egypte jusqu'au chemin par où l'on entre aux frontières d'Ethiopie.
  11. Mais tous les habitants de ces pays ne tinrent aucun compte du commandement de Nabuchodonozor, roi des Assyriens, et ne vinrent point à son secours dans cette guerre, parce qu'ils ne le craignaient point et ne l'estimaient non plus qu'un autre homme, et ils renvoyèrent ses ambassadeurs de chez eux sans nul effet, et avec déshonneur.
  12. Alors Nabuchodonozor fut fort irrité contre tous ces pays et il jura, par son trône et par son royaume, que certainement il se vengerait de toutes les contrées de Cilicie, de Damas et de Syrie, et qu'il mettrait au tranchant de l'épée tous les habitants de Moab et d'Ammon, toute la Judée et tous ceux d'Egypte jusqu'à l'endroit où se rencontrent les deux mers.
  13. Et il marcha en ordre avec sa puissance contre le roi Arphaxad, l'année dix-septième, et fut le plus fort dans la bataille ; car il renversa toute la force d'Arphaxad, toute sa cavalerie et tous ses chariots, et se rendit maître de ses villes. Il vint jusqu'à Ecbatane, gagna ses tours, et pilla ses places, et changea sa gloire en ignominie.
  14. Il prit aussi Arphaxad dans les montagnes de Ragau et le blessa de ses dards. Et, l'ayant poursuivi toute cette journée, s'en retourna à Ninive, lui et toute sa troupe, savoir, une fort grande multitude de gens de guerre, et il demeura là, passant le temps et faisant les festins, lui et son armée, pendant l'espace de cent vingt jours. 

CHAPITRE II.

Nabuchodonozor ayant chargé Holoferne de faire la guerre à ceux qui avaient désobéi à son commandement. 7. Il part avec une puissante armée, 12. Et fait plusieurs conquêtes. 

  1. Or, l'année dix-huitième, le vingt-deuxième jour du premier mois, on tint conseil dans la maison de Nabuchodonozor, roi des Assyriens, de se venger de toute la terre, selon ce qu'il avait dit.
  2. Ayant donc appelé tous ses officiers et tous ses princes,
  3. Il leur découvrit le secret de son conseil et leur représenta sommairement, de sa propre bouche, toute la malice de la terre.
  4. Et ils jugèrent que tous ceux qui n'avaient point obéi à son commandement, devaient être exterminés. Quand donc la conclusion fut prise dans le conseil, Nabuchodonozor, roi des Assyriens, appela Holoferne, premier chef de son armée et qui était le second après lui,
  5. Et lui dit : Voici ce que dit le grand roi, le seigneur de toute la terre : Voici, quand tu seras sorti de devant moi, tu prendras avec toi des gens vaillants, jusqu'à cent vingt mille fantassins, et une multitude de chevaux avec leurs gens, jusqu'à douze mille, et tu marcheras contre tout le pays occidental, parce qu'ils ont désobéi à ma parole, et tu leur dénonceras qu'ils m'apprêtent la terre et l'eau, parce que je sortirai contre eux dans ma colère, et je couvrirai le dessus de la terre des pieds de mon armée, et les donnerai en proie à mes gens, tellement que les corps de leurs blessés à mort rempliront leurs vallées et leurs torrents, et que leurs fleuves regorgeront, étant remplis de leurs morts, et je mènerai leurs captifs jusqu'au bout de toute la terre. Toi donc, partant d'ici avant moi, tu prendras tout leur pays. Et, s'ils se rendent à toi, tu me les garderas, jusqu'à ce que je les rende convaincus.
  6. Mais, quant aux rebelles, ton œil ne les épargnera point, que tu ne les mettes à mort et ne Saccages tout le pays. Car, ainsi puissé-je durer, et la force de mon règne, je ferai par ma force tout ce que j'ai dit. Et, quant à toi, ne manque point en aucune des paroles de ton maître, mais accomplis tous les commandements que je t'ai faits, et ne diffère point de les exécuter.
  7. Alors Holoferne, sortant de la présence du roi son maître, appela tous les principaux, et les capitaines, et les gouverneurs de la puissance d'Assyrie, et fit passer en revue les gens d'élite pour l'armée, selon que son maître lui avait commandé, jusqu'à cent vingt mille et douze mille archers à · cheval,
  8. Lesquels il mit en ordre selon la coutume de ranger les gens de guerre. Il prit aussi des chameaux et des ânes pour porter leur bagage, en fort grand nombre, avec des brebis, des bœufs et des chèvres sans nombre pour leur munition,
  9. Et d'autres munitions de bouche pour tous les hommes de l'armée,
  10. Et de l'argent, en fort grande quantité, de la maison du roi.
  11. Alors il sortit, lui et toute son armée, et se mit en chemin, pour marcher devant le roi Nabuchodonozor et pour couvrir tout le dessus de la terre, vers le pays occidental avec des chariots, des gens de cheval et de pied d'élite.
  12. Une grande multitude aussi de gens, ramassés comme des sauterelles et comme le sable de la terre, se joignit à eux ; car la multitude était sans nombre, Il sortit donc de Ninive et marcha trois jours, tirant vers le chemin de la plaine de Bectileth. Et de Bectileth, il alla mettre son camp près de la montagne qui est au côté gauche de la haute Cilicie. De là, il s'en alla vers les montagnes avec toute son armée, les gens de pied et de cheval, et ses chariots.
  13. Il rasa Phud et Lud, et pilla tous ceux de Rassès et d'Ismaël qui habitaient vers le désert et vers le Midi des Chéléens.
  14. Après ayant passé l'Euphrate et traversé la Mésopotamie, en détruisant toutes les hautes villes situées sur le torrent d'Arbonaï, il vint jusqu'à la mer
  15. Et prit toutes les montagnes de Cilicie, mettant en pièces tous ceux qui lui résistaient. Ainsi il vint jusqu'aux montagnes de Japhet, qui sont vers le Midi, et jusqu'au-devant de l'Arabie.
  16. Il environna aussi tous les habitants de Madian, et mit le feu dans leurs tentes, et ruina leurs habitations.
  17. De là, il descendit en la campagne de Damas, au temps de la moisson des blés, brûla tous leurs champs, détruisit tout leur bétail grand et petit, saccagea leurs villes, pilla leurs champs et fit passer toute leur jeunesse au tranchant de l'épée.
  18. Et la crainte et le tremblement tombèrent sur tous les habitants de la côte de la mer, sur tous les habitants de Sidon, de Tyr et de Sur, d'Ocina et de Jemnan. Aussi les habitants d'Azot et d'Ascalon en furent extrêmement effrayés. 

CHAPITRE III.

Plusieurs peuples envoient les ambassadeurs à Holoferne et se remettent à lui à discrétion. 

  1. Et ils envoyèrent vers lui des ambassadeurs pour parler de paix, disant :
  2. Nous voici en ta présence, nous sommes serviteurs du grand roi Nabuchodonozor, fais-nous ce qu'il te plaira.
  3. Voici nos maisons et nos places, tous nos champs labourables, notre bétail grand et petit, et toutes nos habitations et nos tentes sont devant toi, pour en faire ce qui te semblera bon.
  4. Voici nos villes et leurs habitants qui sont à ton service,
  5. Viens et y entre selon ton bon plaisir. Ainsi donc ils se présentèrent à Holoferne et lui firent leurs messages selon ces paroles.
  6. Par ce moyen, il descendit vers la côte de la mer avec son armée et il mit garnison dans les villes munies.
  7. Et il en tira des gens d'élite pour s'en servir à la guerre.
  8. Et eux, avec tout le pays d'alentour, le reçurent avec des couronnes, des danses et des tambours.
  9. Toutefois il ravagea toute leur contrée et coupa leurs bois.
  10. Car il lui était ordonné de détruire tous les dieux de la terre, afin que toutes les nations adorassent Nabuchodonozor seul, et que toutes les langues et les familles l'appelassent dieu. Puis il vint devant Esdraélon près de Dotée, vis-à-vis du Grand Pertuis, pour entrer en Judée.
  11. Et posa son camp entre Guéba et Scythopolis, auquel lieu il demeura un mois entier pour ramasser tout le bagage de son armée. 

CHAPITRE IV.

Les enfants d’Israël étant effrayés, Joakim le grand sacrificateur donne ordre qu’on fortifie les avenues du pays, 8. Et qu’on célèbre le jeûne. 

  1. Or les enfants d'Israël qui habitaient en Judée, entendirent toutes les choses qu'Holoferne, capitaine-général de Nabuchodonozor, roi des Assyriens, avait faites à tous les peuples, et comment il avait pillé et détruit tous leurs temples.
  2. Et ils furent fort épouvantés de sa venue, même ils furent troublés à cause de Jérusalem et du Temple du Seigneur, leur Dieu, car ils étaient depuis peu retournés de la captivité. Et, depuis peu, tout le peuple de Judée s'était assemblé, et les vaisseaux et l'autel avaient été purifiés de leur souillure.
  3. Ainsi ils envoyèrent dans toute la contrée de Samarie et aux bourgades, à Béthoron, à Belmen, à Jérico, à Hoba, à Ezora et en la plaine de Salem, et se saisirent de tout le dessus des hautes montagnes,
  4. Fermant de murailles les bourgs qui y étaient situés, et retirant les vivres pour la provision de la guerre, parce qu'on avait moissonné depuis peu de temps.
  5. Joakim, le grand sacrificateur qui était en ce temps-là à Jérusalem, écrivit aussi aux habitants de Béthulie et de Béthomestan, qui est vis-à-vis d'Esdraëlon, à la vue de la campagne qui est proche de Dothaïm,
  1. Les exhortant d’occuper les passages des montagnes par lesquels on pouvait entrer en Judée, en leur disant qu'il serait aisé d'empêcher les ennemis d'y entrer, après avoir occupé ces passages, parce qu'ils étaient étroits pour deux hommes à la fois tout au plus.
  2. Et les enfants d'Israël firent comme Joakim le grand sacrificateur leur avait commandé avec les anciens de tout le peuple d'Israël qui se tenaient à Jérusalem.
  3. Alors tous les hommes d'Israël crièrent au Seigneur avec une grande véhémence, humilièrent leurs cœurs avec une grande affection.
  4. Tant eux que leurs femmes, leurs petits-enfants, leur bétail, et tous les étrangers, et les mercenaires, et leurs esclaves acquis par argent se vêtirent de sacs.
  5. Ainsi tous les hommes, et les femmes, et les enfants, et les habitants de Jérusalem se jetèrent à terre devant le temple, ayant de la poudre sur leurs têtes, et étendirent leurs sacs en la présence du Seigneur.
  6. Ils enveloppèrent aussi l'autel d'un sac et crièrent avec ardeur tous d’un accord au Dieu d'Israël, afin qu'il ne livrât point leurs enfants au pillage, leurs femmes en proie, les villes de leur héritage en destruction et le sanctuaire à être souillé et en opprobre, ce qui tournerait en raillerie aux Gentils.
  7. Et le Seigneur exauça leur prière et regarda leur affliction. Car le peuple fut jeûnant plusieurs jours dans toute la Judée et Jérusalem, devant le sanctuaire du Seigneur tout-puissant.
  8. Et Joakim le grand sacrificateur et tous ceux qui assistaient devant le Seigneur, les sacrificateurs et les autres ministres du Seigneur, étant vêtus de sacs au tour de leurs reins, offraient l'holocauste perpétuel avec les prières et les oblations volontaires du peuple, ayant de la poudre sur leurs tiares, et ils criaient au Seigneur de toute leur force, pour obtenir grâce, afin qu'il regardât toute la maison d'Israël

 CHAPITRE V.

Holoferne s’étonnant de la résolution des juifs, est informé par Achior de leur origine. 9. Et de ce que Dieu avait fait en leur faveur. 

  1. Sur cela, on rapporta à Holoferne, capitaine général de l'armée d'Assyrie, que les enfants d'Israël s'étaient préparés à la guerre, ayant fermé les passages des montagnes et fortifié tous leurs sommets, et qu'ils avaient mis des empêchements dans la campagne.
  2. Et il en fut fort irrité, et il appela tous les princes de Moab, et les capitaines d'Ammon, et tous les gouverneurs de la côte de la mer, et leur dit :
  3. Déclarez-moi, vous, Cananéens, quel est ce peuple qui est assis entre les montagnes, quelles sont les villes où il habite, quelle est la multitude de son armée, en quoi consistent leur force et leur puissance, et quel roi ou capitaine s'est levé d'entre eux pour gouverner leurs armées,
  4. Et à quoi ils ont pensé de ne point venir au-devant de moi plutôt que tous les habitants des régions occidentales ?
  5. Alors Achior, capitaine de tous les Ammonites, dit : Que mon seigneur écoute la parole de la bouche de son serviteur, et je te déclarerai la vérité touchant ce peuple qui habite dans ces montagnes qui sont près de toi, et il ne sortira aucun mensonge de la bouche de ton serviteur.
  6. Ce peuple-ci est sorti de la race des Chaldéens.
  7. Et ils habitaient auparavant en Mésopotamie comme étrangers, parce qu'ils ne voulaient point adhérer aux dieux de leurs pères, qui avaient été dans la terre de Chaldée.
  8. C'est pourquoi, quittant le chemin que leurs pères avaient tenu,
  9. Ils adorèrent le Dieu du ciel, le Dieu qu'ils avaient connu, et les Chaldéens les chassèrent de la présence de leurs dieux, et ils s'en fuirent en Mésopotamie, où ils habitèrent longtemps ; mais leur Dieu leur commanda de sortir de ce lieu où ils habitaient comme étrangers, et de s'en aller au pays de Canaan, où ils habitèrent, et ils furent enrichis d'or, et d'argent, et d'une grande abondance de bétail.
  10. Alors la famine se répandit sur toute la terre de Canaan, et ils descendirent en Égypte et se tinrent là comme étrangers jusqu'à ce qu'ils s'en retournèrent, et là ils devinrent une fort grande multitude, tellement qu'on n'eût su nombrer leur race.
  11. Mais le roi d'Egypte s'éleva contre eux et usa de ruse contre eux, les affligeant par des corvées et les occupant à faire des briques, tellement qu'il les rendit esclaves. Alors ils crièrent à leur Dieu, lequel frappa toute la terre d'Égypte de plaies où il n'y avait point de guérison.
  12. Les Égyptiens donc les chassèrent de devant eux.
  13. Et Dieu fit tarir la mer Rouge en leur présence et les mena à la montagne de Sina et à Kadès barné, chassant tous les habitants du désert. Ainsi ils habitèrent dans la terre des Amorrhéens et détruisirent par leur force tous ceux d'Hesbon.
  14. Puis, passant le Jourdain, ils conquirent pour héritage tout le pays des montagnes et, ayant chassé les Cananéens, les Phéréziens, les Jébusiens, ceux de Sichem et tous les Gergésiens, ils habitèrent en ce pays-là un long espace de temps.
  15. Et, pendant qu'ils ne péchaient point contre leur Dieu, tout allait bien pour eux, parce que le Dieu qui hait l'iniquité, était avec eux.
  16. Mais, après qu'ils se furent détournés du chemin qu'il leur avait ordonné, ils furent extrêmement détruits par plusieurs guerres, tellement qu'ils ont été emmenés captifs en une terre étrangère. Et le temple de leur Dieu fut détruit, et leurs villes furent prises par leurs ennemis.
  17. Or maintenant, après s'être convertis à leur Dieu, ils sont remontés de la dissipation en laquelle ils avaient été dispersés par-delà. Et, ayant obtenu Jérusalem leur sanctuaire, ils ont été remis en possession du pays des montagnes, qui était désert.
  18. Maintenant donc, mon seigneur et mon maître, il faut que nous regardions s'il y a quelque faute en ce peuple et s'ils ont péché contre leur Dieu, car, s'il y a en eux quelque telle cause de ruine, nous monterons contre eux et nous les combattrons.
  19. Mais, s'il n'y a point d'iniquité en ce peuple, que mon Seigneur les laisse de peur que leur Seigneur ne les défende et que leur Dieu ne soit pour eux, et que nous ne soyons en opprobre à toute la terre.

CHAPITRE VI.

Holoferne blasphème contre le Dieu d’Israël. 7. Il commande qu’on transporte Achior à Béthulie : 14. Ses habitants crient au Seigneur et consolent Achior. 

  1. Après qu'Achior eut fini ces discours, tout le peuple qui était à l'entour de la tente, murmura ; et les principaux de la compagnie d'Holoferne, et tous les habitants de la côte de la mer et du pays de Moab dirent qu'il le fallait mettre en pièces : Car nous ne serons point étonnés, disaient-ils, à la rencontre des enfants d'Israël, parce que c'est un peuple où il n'y a ni force ni vertu pour soutenir une forte armée. C'est pourquoi montons maintenant, et ils seront en proie à toute ton armée, seigneur Holoferne.
  2. Après que le tumulte des hommes qui étaient à l'entour du conseil, eut cessé, Holoferne, capitaine-général de l'armée d'Assyrie, dit à Achior devant toute la multitude des étrangers, et de tous les Moabites, et des soldats d'Éphraïm : Qui est-ce qui t'a incité aujourd'hui à prophétiser entre nous et à dire que le peuple de Jérusalem est vaillant dans la guerre, parce que son Dieu le défend ? Et qui est-ce qui est dieu, sinon Nabuchodonozor ?
  3. Il enverra sa puissance et les exterminera de dessus la terre, et leur Dieu ne les délivrera point. Mais nous, qui sommes les serviteurs de Nabuchodonozor, nous les détruirons comme s'ils n'étaient qu'un homme seul, et ils ne pourront soutenir la force de nos chevaux ; car nous les ferons marcher sur eux, et leurs montagnes seront enivrés de leur sang et leurs campagnes seront remplies de leurs morts, et ils ne pourront tenir ferme devant nous, mais ils périront entièrement.
  4. Ainsi l'a déterminé le roi Nabuchodonozor, seigneur de toute la terre ; car il a dit : Nulle de mes paroles ne sera vaine. Et toi, Achior, soldat ammonite, puisque tu as prononcé ces paroles au jour de ton iniquité, ma face ne te verra point depuis ce jour jusqu'à ce que je me sois vengé de la race de ceux qui sont venus d'Egypte. Mais alors le fer de mon armée et la multitude de mes serviteurs te transperceront, et tu tomberas entre leurs blessés à mort, quand je les aurai mis en fuite ; car mes gens te mettront entre les montagnes et te rendront dans l'une des villes hautes, tellement que tu ne mourras point jusqu'à ce que tu périsses avec eux.
  1. Et, si tu t'assures en ton cœur qu'ils ne seront point défaits, que ta face ne soit point abattue.
  2. Je l'ai dit, et nulle de mes paroles ne tombera à terre.
  3. Alors Holoferne commanda à ses gens qui étaient là présents, qu'on saisit Achior, et qu'on le transportât à Béthulie, et qu'on le mît entre les mains des enfants d'Israël.
  4. Et les serviteurs d'Holoferne le prirent, et le menèrent hors du camp dans la plaine,
  5. Et le transportèrent de la plaine en la montagne, et Vinrent aux fontaines qui sont vis-à-vis de Béthulie.
  6. Alors ceux de la ville, les voyant au sommet de la montagne, se mirent en armes, et sortirent hors de la ville au sommet de la montagne, savoir les tireurs de fronde, et les empêchèrent de monter, jetant des pierres contre eux. Mais eux, s'étant coulés au-dessous de la montagne, lièrent Achior, et le laissèrent, l'ayant jeté au pied de la montagne, et s'en retournèrent vers leurs maîtres. Alors les israélites, descendant de leur ville, survinrent, et, l'ayant délié, l'amenèrent à Béthulie, et le présentèrent aux gouverneurs de la ville,
  7. Qui étaient, en ce temps-là, Ozias, fils de Micha, de la tribu de Siméon, et Chabris, fils de Gothoniel, avec Charmis, fils de Melchiel,
  8. Lesquels appelèrent tous les anciens de la ville. Et tous leurs jeunes gens accoururent avec les femmes à l'assemblée, et ils mirent Achior au milieu de tout le peuple. Alors Ozias l'interrogea sur ce qui était arrivé, et Achior, leur répondant, leur déclara les discours qui avaient été tenus au conseil d'Holoferne, et toutes les paroles qu'il avait dites devant les capitaines d'Assyrie,
  9. Et toutes les vanteries dont Holoferne s'était glorifié contre la maison d'Israël.
  10. Et eux, se jetant à terre, adorèrent Dieu, criant à Dieu et di Sant :
  11. Seigneur ! qui es le Dieu du ciel, regarde à la grande fierté de ces gens, aie pitié de l'affliction de notre race et regarde à la face de ceux qui te sont sanctifiés en ce jour-ci.
  12. Ensuite ils consolèrent Achior et le louèrent fort.
  13. Et Ozias, le retirant de l'assemblée, le mena en sa maison et lui fit un festin avec les anciens.
  14. Et ils invoquèrent, toute cette nuit-là, le Dieu d'Israël, afin qu'il leur fût en secours. 

CHAPITRE VII.

Holoferne voulant assiéger Béthulie, 8. Les Iduméens et les Moabites lui conseillent seulement de la bloquer, 12. Les habitants faute d’eau sont réduits à l’extrémité. 

  1. Le lendemain, Holoferne commanda à toute son armée et à tous les gens qui étaient venus à la guerre avec lui, de marcher contre Béthulie, et de gagner, avant toutes choses, les détroits de la montagne, et de combattre contre les Israélites. Et, en ce jour-là, tous leurs vaillants hommes et toute la force de leurs gens de guerre marchèrent,
  2. Savoir cent soixante et dix mille hommes de pied et douze mille hommes de cheval, sans le bagage et les autres gens de pied qui étaient parmi eux en fort grand nombre.
  3. Et ils campèrent dans la vallée proche de Béthulie, auprès de la fontaine, tenant en largeur l'étendue qu'il y a depuis Dothaïm jusqu'à Belbaïm, et en longueur, de puis Béthulie jusqu'à Cyamon, qui est vis-à-vis d'Esdraëlon.
  4. Les enfants d’Israël ayant vu leur multitude, furent fort effrayés et se disaient l’un à l’autre : Ceux-ci occuperont maintenant tout le dessus de la terre, il n'y aura ni hautes montagnes, ni vallées, ni coteaux qui puissent soutenir leur faix.
  5. Et, ayant pris chacun leurs bâtons d'armes et ayant allumé leurs feux sur leurs tours, ils passèrent toute cette nuit-là à faire le guet.
  6. Le lendemain, qui fut le second jour, Holoferne fit sortir toute sa cavalerie à la vue des Israélites qui étaient à Béthulie, et reconnut les passages pour monter à la ville.
  7. Et, s'étant avancé vers leurs fontaines, il s'en saisit et y mit une garnison de ses meilleures troupes ; puis il s'en retourna vers son armée.
  8. Alors tous les chefs des enfants d'Esaü et des Moabites, avec les capitaines de la côte de la mer, s'approchant de lui, dirent : Que mon seigneur écoute une parole, de peur qu'il n'arrive quelque malheur à son armée. Car ce peuple d'Israël ne se confie point en ses lances, mais en la hauteur des montagnes auxquelles il habite, parce qu'il n'est point facile de venir jusqu'au sommet de ces montagnes.
  9. Maintenant donc, mon seigneur, ne sors point en bataille rangée contre eux, afin qu'il ne tombe un seul homme des tiens ; mais tiens-toi dans ton fort, empêchant que nul homme de l'armée ne sorte, et donnant ordre que tes gens tiennent en leur puissance l'eau du pays, qui sort du pied de la montagne.
  10. Car tous les habitants de Béthulie en sont abreuvés ; ainsi la soif les tuera, et ils rendront leur ville. Cependant nous et nos gens, nous monterons aux sommets des montagnes voisines et nous y camperons pour tenir le siège, afin que nul homme ne sorte de la ville. Et les habitants, avec leurs femmes et leurs enfants, seront consumés par la faim, et, avant qu'on vienne à l'épée contre eux, ils tomberont dans les rues, et tu leur rendras un méchant salaire de ce qu'ils se sont soulevés contre toi et ne t'ont point obéi paisiblement.
  11. Leurs discours plurent à Holoferne et à tous ses officiers, et il ordonna de faire comme ils avaient dit. Alors l'armée des Ammonites partit, et cinq mille des enfants d'Assur avec eux, et, se jetant dans la vallée, ils gagnèrent les eaux et les fontaines des Israélites. Les enfants d'Esaü et les Ammonites montèrent aussi et campèrent sur la montagne vis-à-vis de Dothaïm, envoyant quelque nombre d'entre eux vers le Midi et vers l'Orient, vis-à-vis d'Ecrébel, qui est auprès de Chusi sur le torrent de Mochmur. Le reste de l'armée des Assyriens se campa dans la plaine et couvrit tout le dessus de la terre, et leurs tentes et leur bagage occupaient une place extrêmement grande. Alors les enfants d’Israël crièrent au Seigneur leur Dieu parce que leur cœur les manquait, et, tous leurs ennemis les ayant environnés, il n'y avait point de moyen de leur échapper.
  12. Ainsi tout l'amas des Assyriens demeura à l'entour d'eux l'espace de trente-quatre jours, tant leurs gens de pied que les chariots et les gens de cheval, tellement que tous les vaisseaux à eau défaillaient aux habitants de Béthulie, et même leurs citernes se vidaient, et ils n'avaient plus à boire leur faoul pour un jour; car on leur distribuait le boire par mesure, et leurs enfants se pâmaient et leurs femmes et leurs jeunes gens défaillaient de soif et tombaient dans les places de la ville et par les passages des portes, et il n'y avait plus de force en eux .
  13. Alors tout le peuple s'assembla vers Ozias et vers les gouverneurs de la ville, tant les jeunes gens que les femmes et les petits enfants, et ils crièrent à haute voix en la présence de tous les anciens, disant :
  14. Que Dieu soit juge entre vous et nous ; car vous nous faites grand tort de n'avoir pas fait accord avec les Assyriens,
  15. Vu que maintenant il n'y a plus de secours pour nous ; mais Dieu nous a vendus en leurs mains, afin que nous tombions devant eux de soif et de désolation.
  16. Maintenant donc appelez-les et rendez la ville pour être pillée des gens d'Holoferne et de toute son armée.
  17. Car il vaut mieux que nous leur soyons en proie que de mourir de soif, parce que nous leur ' serons esclaves, et nous vivrons, et ne verrons pas la mort de nos petits enfants devant nos yeux, ni défaillir les vies de nos femmes et de nos enfants.
  18. Or nous appelons le ciel et la terre en témoignage contre vous, et notre Dieu, le Seigneur de nos pères, lequel nous punit selon nos péchés et les péchés de nos pères, le suppliant qu'il ne nous fasse point ainsi maintenant.
  19. Après cela, il se fit un grand cri de tous au milieu de l’assemblée, d’un commun accord ils criaient au Seigneur Dieu à haute voix.
  20. Alors Ozias leur dit : Ayez bon courage, mes frères ; endurons encore cinq jours, dans lesquels le Seigneur notre Dieu manifestera sa miséricorde envers nous
  21. Car il ne nous délaissera point à jamais.
  22. Et si ce terme de cinq jours se passe sans qu'il nous vienne du secours, je ferai selon ce que vous avez dit. Alors il fit retourner le peuple chacun en son lieu. Et ils s'en allèrent aux murailles et aux tours de la ville, envoyant leurs femmes et leurs enfants à leurs maisons, et il y avait une grande consternation dans la ville. 

CHAPITRE VIII.

Généalogie de Judith et sa conduite pendant son veuvage, 11. Elle reprend Ozias de la promesse qu’il avait faite au peuple, 12. Et déclare qu’elle a au cœur une entreprise contre l’ennemie. 

  1. Ce jour-là, les nouvelles de ces choses vinrent à Judith, fille de Mérari, fils d'Ox, fils de Joseph,fils d'Oziel, fils d'Elcia, fils d'Ana nias, fils de Gédéon, fils de Raphaïm, fils d'Akito, fils d'Eliu, fils d'Eliab, fils de Nathanaël, fils de Samuel, fils de Salasadaï, fils d'Israël.
  2. Manassés avait été son mari, de sa tribu et de son parentage, lequel était mort au temps de la moisson des orges.
  3. Car, comme il était après ceux qui liaient des gerbes au champ, la chaleur lui donna sur la tête, et il tomba malade et se mit au lit, et il mourut dans la ville de Béthulie et fut enseveli avec ses pères au champ qui est entre Dothaïm et Balamo.
  4. Ainsi Judith était demeurée veuve dans sa maison trois ans et quatre mois.
  5. Elle s'était fait une tente au-dessus de sa maison.
  6. Et avait ceins un sac sur ses reins, portant les robes de son veuvage et jeûnant tous les jours de son veuvage, excepté la veille et les jours des sabbats, et la veille des nouvelles lunes, et les jours solennels et de réjouissance des Israélites.
  7. Or elle était belle à voir et de fort bonne grâce, et son mari Manassés lui avait laissé de l'or et de l'argent, des serviteurs et des servantes, du bétail et des possessions où elle demeurait.
  8. Et il n'y avait personne qui parlât mal d'elle, car elle avait fort la crainte de Dieu.
  9. Elle donc, ayant entendu les méchants discours que le peuple avait tenus au gouverneur, parce que le cœur manquait au peuple, faute d’eau ; ayant aussi entendu tous les discours que lui avait te nus Ozias, comment il leur avait juré de rendre la ville aux Assyriens au bout de cinq jours, elle envoya sa servante, qui avait la surintendance de sa maison, pour appeler Ozias, et Chabris, et Charmis, anciens de la ville,
  10. Lesquels vinrent à elle, et elle leur dit : Ecoutez-moi, vous gouverneurs des habitants de Béthulie. Le discours que vous avez tenu aujourd'hui devant tout le peuple, n'est pas droit, ayant fait le serment que vous avez prononcé entre Dieu et nous ; et ce que vous avez dit, que vous rendriez la ville à nos ennemis, si dans le terme de cinq jours le Seigneur ne venait pour vous secourir.
  11. Et maintenant, qui êtes-vous, que vous ayez ainsi tenté Dieu et que vous vous mettiez en la place de Dieu entre les hommes ? Et maintenant vous prétendez sonder le Seigneur tout-puissant, mais jamais vous n'y entendrez rien ;
  12. Car vous ne sauriez trouver la profondeur du cœur de l'homme ni comprendre les pensées de son intelligence. Comment donc sonderez-vous Dieu, qui a vu toutes ces choses ? et comment saurez-vous sa pensée et comprendrez-vous son conseil ?
  13. Non, mes frères, n'irritez point le Seigneur votre Dieu ; car encore qu'il ne nous voulût point secourir dans cinq jours, il a la puissance de nous défendre en autant de jours qu'il lui plaira, ou même de nous détruire en la présence de nos ennemis. Vous donc, ne mettez point en compromis les conseils du Seigneur notre Dieu.
  14. Car Dieu n'est point comme un homme pour être menacé, ni comme les hommes pour être tiré en cause.
  15. C'est pourquoi, attendant son secours, invoquons-le à notre aide, et il exaucera nos prières, s'il lui plaît. Car il ne se trouve point que, de notre âge ni même aujourd'hui, aucune tribu, ni famille, ni ville d’entre nous, adore des dieux faits de main, comme il est arrivé au temps passé, à cause de quoi nos pères ont été livrés à l'épée et en proie et sont tombés devant leurs ennemis d'une terrible chute.
  16. Mais nous ne connaissons point d'autre Dieu que lui. C'est pourquoi espérons qu'il ne nous méprisera point, ni nous, ni aucun de notre race.
  17. Nous ne sauverons point la réputation de la Judée en étant pris ; mais notre sanctuaire sera pillé, et Dieu demandera compte de sa profanation de notre bouche et fera tourner sur notre tête ce que nous craignons de voir, la captivité du pays et la désolation de notre héritage entre les Gentils, en quelque lieu que nous soyons esclaves. Et nous serons en scandale et en opprobre à ceux qui domineront sur nous, parce que notre servitude ne sera point à notre honneur ; mais le Seigneur notre Dieu fera qu'elle nous tournera en déshonneur.
  18. Maintenant donc mes frères, donnons exemple à nos frères parce que leur courage dépend de nous ; le sanctuaire, le temple et l'autel est fondé sur nous.
  19. Outre toutes ces choses, rendons grâce au Seigneur notre Dieu, qui nous éprouve, comme il a fait à nos pères.
  20. Qu'il vous souvienne de tout ce qu'il a fait envers Abraham ;
  21. En combien de sortes il a éprouvé Isaac, et de tout ce qui est arrivé à Jacob en Mésopotamie de Syrie, du temps qu'il paissait le bétail de Laban son oncle maternel.
  22. Car, comme il les a éprouvés par le feu, pour voir la disposition de leur cœur,
  23. Aussi ne se venge-t-il point de nous ; mais le Seigneur châtie pour leur instruction ceux qui s'approchent de lui.
  24. Alors Ozias lui dit : Tout ce que tu as dit, tu l'as dit d'un bon cœur, et personne ne saurait contredire à tes discours. Car ce n'est point d'aujourd'hui que ta sagesse est connue ; mais, dès le commencement de ta vie, tout le peuple a connu ta prudence, parce qu'un bon cœur a été formé en toi.
  25. Mais le peuple a été fort pressé de soif, et ils nous ont contraints de leur faire selon que nous avons dit, et de nous engager par un serment, lequel nous ne romprons point.
  26. Mais toi, maintenant prie pour nous, parce que tu es une femme dévote, afin que le Seigneur nous envoie de la pluie pour remplir nos citernes, et que nous ne défaillions point encore.
  27. Alors Judith leur dit : Ecoutez-moi, et je ferai une action qui sera récitée dans tous les âges entre ceux de notre nation.
  28. Vous vous tiendrez cette nuit à la porte, et je sortirai avec ma servante, et le Seigneur donnera du secours par ma main à Israël dans le temps après lequel vous avez promis de rendre la ville.
  29. Mais ne vous enquérez point de ce que je veux faire, car je ne vous le déclarerai point jusqu'à ce que j'aie achevé mon entreprise.
  30. Alors Ozias et les gouverneurs lui dirent : Va-t'en en paix. Le Seigneur soit devant toi pour faire vengeance de nos ennemis. Après quoi, retournant de la tente, ils s'en allèrent chacun en son lieu. 

CHAPITRE IX.

Judith prie ardemment le Seigneur qu’il lui veille donner la force et l’adresse nécessaire pour exécuter son entreprise. 

  1. Après cela, Judith se jeta la face en terre, et jeta de la poudre sur sa tête ; puis elle quitta le sac qu'elle avait vêtu. Et, environ le temps qu'on offrait à Jérusalem dans la maison du Seigneur le parfum de ce soir-là, elle s'écria à haute voix et dit :
  2. Seigneur ! Dieu de mon père Siméon, qui lui as donné une épée pour faire vengeance des étrangers qui violèrent la vierge, et découvrirent sa nudité, et la mirent en opprobre, quoique tu aies défendu qu'il soit fait ainsi, et qui firent des choses pour lesquelles tu mis à mort leurs princes, tellement qu'il remplit de sang leur couche, où ils étaient par tromperie ; et qui as frappé les esclaves sur les princes et les princes sur leurs trônes ;
  3. Et tu as livré leurs femmes en proie, et leurs filles en captivité, et toutes leurs dépouilles en butin à tes enfants que tu aimais, lesquels ont été émus de ton zèle, et ont eu en abomination la souillure de leur sang, et t'ont invoqué à leur aide, ô Dieu ! mon Dieu ! exauce-moi, moi qui suis une veuve.
  4. Car tu as fait les choses qui ont précédé, et celles-là, et celles qui sont venues depuis, et celles qui sont à présent, et tu connais celles qui doivent arriver. Les choses que tu ordonnes par ton conseil, comparaissent devant toi et disent : Nous voici.
  5. Car toutes tes voies sont prêtes, et tes jugements sont prévus.
  6. Voici les Assyriens, qui sont multipliés dans leur puissance ;
  7. Ils s'enorgueillissent de leurs chevaux et de leur gendarmerie ;
  8. Ils se glorifient dans la force de leurs gens de pied ;
  9. Ils se confient en leurs lances, en leurs dards, en leurs arcs et en leurs frondes,
  10. Et ils ne connaissent point que tu es le Seigneur qui romps les batailles. Ton nom est le Seigneur.
  11. Romps leurs forces par ta vertu et froisse leur puissance par ta colère. Car ils ont délibéré de profaner ton sanctuaire, et de souiller le tabernacle où habite ton nom glorieux, et de rompre à force d'armes la corne de l'autel.
  12. Regarde à leur orgueil et envoie ta colère sur leurs têtes. Donnes-en la main de cette veuve la force que j'ai conçue
  13. Frappe par la tromperie de mes lèvres le serviteur sur le maître et le maître sur le serviteur.
  14. Abats leur élévation par la main d'une femme.
  15. Car ta force ne consiste point en la multitude, ni ta puissance, en des gens robustes.
  16. Mais, Seigneur tu es le secours des humbles et des petits, le secours des infirmes, le protecteur des abandonnés, le sauveur des désespérés. Oui, oui, ô Dieu de mon père ! Dieu de l'héritage d'Israël !
  17. Dominateur des cieux et de la terre, créateur des eaux, Roi de toutes tes créatures ! exauce ma prière
  18. Et fais que ma parole tourne en ruse, et en plaie, et en ruine à ceux qui ont entrepris des choses cruelles contre ton alliance, et contre ta maison sainte, et la montagne de Sion, et la maison que possèdent tes enfants.
  19. Fais voir avec évidence à tout ton peuple et à toute tribu, et fais connaitre que tu es le Dieu de toute vertu et force, et qu'il n'y a aucun autre qui serve de bouclier à Israël, sinon toi seul. 

CHAPITRE X.

Judith sortant hors de la ville de Béthulie, 11. Est prise par le guet des assyriens,17. Et menée à Holoferne. 

  1. Après qu'elle eut cessé de crier au Dieu d'Israël et achevé de dire toutes ces paroles,
  2. Elle se leva du lieu auquel elle s'était jetée par terre, appelant sa servante, et descendit en sa maison, où elle demeurait aux jours des sabbats et des fêtes solennelles. Elle quitta le sac dont elle était vêtue, et les habits de son veuvage.
  3. Puis, s'étant lavé tout le corps, elle s'oignit d'huile de senteur, parant les cheveux de sa tête, et mit une coiffe dessus, et se vêtit de ses robes de soie, desquelles elle se parait durant la vie de son mari Manassés.
  4. Elle mit des patins à ses pieds, et prit des bracelets, des carquans, des anneaux, des oreillettes et tous ses ornements. Et elle se para fort pour attirer les yeux de tous les hommes qui la verraient.
  5. Ensuite elle donna à sa servante une bouteille de vin, un vase d'huile et remplit un sac de farine, de figues sèches et de pains purs. Et, enveloppant tous ces Vaisseaux ensemble, elle en chargea sa servante.
  6. Puis elles s'en vinrent ainsi à la porte de la ville de Béthulie et elles trouvèrent Ozias et, d'entre les anciens de la ville, Chabris et Charmis, qui étaient là,
  7. Lesquels, ayant vu sa face ainsi changée et remarqué le changement de sa robe, furent merveilleusement étonnés de sa beauté et lui dirent :
  8. Que Dieu, le Dieu de nos pères, te remplisse de grâce et te fasse achever tes entreprises à la gloire des Israélites et à l'exaltation de Jérusalem ! Et, sur cela, ils adorèrent Dieu. Et elle leur dit : Commandez qu'on m'ouvre les portes de la ville, et que je sorte pour accomplir les choses dont vous m'avez parlé.
  9. Ils commandèrent donc aux jeunes gens de lui ouvrir les portes, selon qu'elle avait dit, et ils le firent ainsi.
  10. Et Judith sortit, et sa servante, avec elle ; et les hommes de la ville la regardèrent jusqu'à ce qu'elle fût descendue de la montagne et qu'elle eût passé la vallée, puis ils la perdirent de vue.
  11. Ainsi elles s'en vinrent le long de la vallée tout droit et rencontrèrent le premier guet des Assyriens, qui la prirent et l'interrogèrent, disant : De quelles gens es-tu ? d'où viens-tu ? et où vas-tu?
  12. Elle dit : Je suis de la race des Hébreux et je me suis enfuie d'avec eux, car ils vous seront livrés pour être consumés.
  13. Et je suis venue me présenter à Holoferne, capitaine-général de votre armée, pour lui dire des paroles véritables et lui montrer le chemin par lequel il doit marcher pour gagner toute la montagne, sans qu'il perde la vie d'un seul homme.
  14. Quand ces hommes eurent ouï ces discours et contemplé son visage, ils furent fort surpris de sa beauté et lui dirent :
  15. Tu as sauvé ta vie, te hâtant de te venir présenter à notre seigneur. Viens donc maintenant à sa tente, et quelques-uns de nous t'y conduiront jusqu'à ce qu'ils t'aient mise entre ses mains.
  16. Quand tu seras venue devant lui, ne sois point étonnée dans ton cœur ; mais expose-lui ce que tu as à lui dire, et il te traitera bien.
  17. Alors ils choisirent d'entre eux cent hommes, qui préparèrent un chariot pour elle et pour sa servante, et qui la menèrent à la tente d'Holoferne. Le bruit de sa venue s'étant répandu au camp, on y accourait de toutes parts, tellement qu'elle fut environnée de gens pendant qu'elle était hors de la tente d'Holoferne, jusqu'à ce qu'on lui en eût apporté les nouvelles.Et chacun, s'étonnant de sa beauté, avait en admiration les Israélites à cause d'elle, disant l'un à l'autre :
  1. Qui est-ce qui mépriserait ce peuple qui a de telles femmes ? Certes il n'est pas bon de laisser un seul homme d'entre eux, qui, étant restés, pourraient abuser toute la terre. Après cela, ceux du guet et tous les serviteurs d'Holoferne sortirent et l'amenèrent dans la tente.
  2. Or Holoferne reposait en son lit couvert d'un pavillon tissu de pourpre et d'or, d'émeraudes et de pierres précieuses, et on lui dit qu'elle était venue. Alors il sortit à l'entrée de son pavillon, et on portait des lampes d'argent devant lui.
  3. Quand Judith fut venue en sa présence et en celle de ses gens, tous furent étonnés de sa beauté. Et elle, se jetant à terre, lui rendit hommage, et ses serviteurs la relevèrent. 

CHAPITRE XI.

Holoferne rassure Judith, et lui demande la cause de sa venue, 4. Judith le trompe par de belles paroles. 

  1. Alors Holoferne lui dit : Aie bon courage, femme, et que ton cœur ne soit point étonné, Car je ne fis jamais de mal à qui a voulu s'assujettir volontairement à Nabuchodonozor, le roi de toute la terre.
  2. Maintenant donc, si ton peuple, qui habite dans les montagnes, ne m'eût méprisé, je n'eusse point levé ma lance contre eux ; mais ils se sont faits d'eux-mêmes ces choses.
  3. Or dis-moi pourquoi tu t'en es enfuie d'avec eux et tu es venue rendre à nous ? Car tu es venue pour ton salut. Aie bon courage, tu vivras cette nuit et à l'avenir. Il n'y aura personne qui te fasse tort, mais même on te traitera bien, comme on a accoutumé de faire aux sujets du roi Nabuchodonozor mon maître.
  4. Alors Judith lui dit : Écoute les paroles de ta servante, et que ta servante puisse parler en ta présence. Je ne dirai aucun mensonge à mon seigneur. Que si tu suis les paroles de ta servante, Dieu fera prospérer entièrement ton affaire, et mon seigneur ne sera point frustré de ses entreprises.
  5. Je te promets par la vie de Nabuchodonozor, roi de toute la terre, et par la force de celui qui t'a envoyé pour corriger toutes les créatures, que non-seulement les hommes lui seront assujettis par toi, mais aussi les bêtes sauvages, et le bétail, et les oiseaux du ciel vivront par le moyen de ta force sous l'empire de Nabuchodonozor et de toute sa maison.
  6. Car nous avons ouï parler de ta sagesse et de l'industrie de ton esprit, et il a été publié par toute la terre que tu es seul excellent dans tout le royaume, excellent en science et merveilleux en exploits de guerre.
  7. Nous avons entendu les discours d'Achior dans notre conseil ; car ceux de Béthulie l'ont pris, et il leur a conté toutes les choses qu'il avait dites en ta présence.
  8. C'est pourquoi, mon seigneur et maître, ne rejette point sa parole, mais mets-la dans ton cœur, car elle est vraie, parce qu'il est certain qu'on ne peut nuire à notre nation, et que l'épée ne peut rien sur nos gens, sinon qu’ils aient péché contre leur Dieu. Maintenant donc, de peur que toi, mon seigneur, ne demeures frustré et sans rien faire,
  9. Mais que plutôt la mort tombe sur eux, ils sont déjà surpris dans leur péché, par lequel ils provoqueront leur Dieu, faisant ce qui ne leur est pas permis.
  10. Car, parce que leurs viandes ont manqué, et que toute leur eau est consumée,
  11. Ils ont délibéré de se jeter sur leur bétail et de consumer toutes les choses desquelles Dieu leur a défendu dans ses commandements de manger.
  12. De même ils ont résolu de se servir des prémices du blé, des dîmes du vin et de l'huile, lesquelles ils avaient gardées et consacrées aux sacrificateurs, qui se tiennent à Jérusalem pour servir à notre Dieu, quoiqu'il ne soit pas même permis à aucun d'entre le peuple d'y toucher de la main. Davantage, ils ont envoyé à Jérusalem (parce que les habitants de ce lieu-là ont fait la même chose) des gens qui leur en apportent la permission de leurs gouverneurs. Quand donc, après avoir eu le rapport, ils feront cela, ils vous seront livrés ce même jour-là pour être exterminés.
  13. C'est pourquoi moi, ta servante, ayant connu toutes ces choses, je m’en suis fui d'avec eux, et Dieu m'a envoyée pour faire avec toi une chose, dont toute la terre qui en entendra les nouvelles, sera émue.
  14. Car moi, qui suis ta servante, je crains le Dieu du ciel et je le sers jour et nuit. Maintenant donc, seigneur, que je demeure avec toi et que je sorte de nuit en la vallée pour prier Dieu.
  15. Afin qu'il me révèle quand ils auront commis leurs offenses, et je viendrai te le déclarer.
  16. Alors tu sortiras avec toute ton armée, et il n'y aura nul d'entre eux qui te résiste. Et je te mènerai par le milieu de la Judée jusqu'à ce que tu viennes devant Jérusalem. Et je poserai ton trône au milieu d'elle, et tu les mèneras comme les brebis qui n'ont point de pasteur, et il n'y aura pas même un chien qui aboie contre toi.
  17. Car ces choses m'ont été révélées et dénoncées selon ma prévoyance, et je suis envoyée pour te les exposer.
  18. Ces discours plurent à Holoferne et à tous ses gens, et ils s'étonnèrent de sa sagesse, et dirent :
  19. Il n'y a point de telle femme depuis le bout du monde, tant en beauté de visage qu'en sagesse de discours.
  20. Holoferne lui dit aussi : C'est Dieu qui a fait ceci, de t'envoyer devant le peuple pour donner de la force à nos mains et pour faire venir la ruine sur tous ceux qui méprisent le roi mon maître.
  21. Tu es belle de visage et adroite dans tes discours. Que si tu fais ce que tu m'as dit, ton Dieu me sera pour Dieu, tu demeureras dans la maison de Nabuchodonozor et tu seras renommée par toute la terre. 

CHAPITRE XII.

Judith ne veut point se souiller en mangeant des viandes des gentils, 5. Mais elle obtient congé de sortir la nuit pour faire sa prière : 10. Puis elle est appelée au festin que faisait Holoferne. 

  1. Sur cela, il commanda qu'on la menât au lieu où était sa vaisselle d’argent et il ordonna qu’on lui apportât à manger de ses viandes et qu'on lui fit boire de son vin.
  2. Mais Judith répondit : Je ne mangerai point, de peur que je ne pèche : mais je serai servi de ce qui est avec moi.
  3. Alors Holoferne lui dit : Et si ce que tu as avec toi, vient à manquer, où en prendrons-nous de même pour t'en donner ? car il n'y a nul de ta nation avec nous. Judith lui dit :
  4. Seigneur, il n'est pas plus vrai que tu es en vie, qu'il est certain que moi, ta servante, n'aurai pas mangé ce que j'ai, que le Seigneur n'ait fait par ma main ce qu'il a délibéré. Puis les gens d'Holoferne la firent entrer dans la tente, et elle dormit jusqu'à minuit ; puis, sur la veille du matin, elle se leva.
  5. Et elle envoya demander à Holoferne, disant : Que monseigneur ordonne qu'il soit permis à sa servante de sortir pour faire son oraison
  6. Ainsi Holoferne commanda à ses gardes du corps de ne l'empêcher point, et elle demeura trois jours au camp,
  7. Sortant de nuit en la vallée de Béthulie et se lavant dans une fontaine qui était au camp.
  8. Puis, quand elle sortait, elle priait le Seigneur Dieu d'Israël de faire prospérer son entreprise pour relever les enfants de son peuple.
  9. Et s'en revenant, elle demeurait nette en la tente, jusqu'à ce qu'on lui apportât sa viande au soir.
  10. Or il avint, au quatrième jour, qu'Holoferne fit un festin aux serviteurs de sa maison seulement et n'y appela nul de ceux qui étaient commis sur les affaires. Alors il dit à Bagoas eunuque, qui était son principal maître d'hôtel : Va et persuade à cette femme hébreux, qui est chez toi, qu'elle vienne ici avec nous et qu'elle mange et boive dans notre compagnie
  11. Car ce serait une chose digne de moquerie pour nous, de laisser une telle femme sans communiquer avec elle, et, si nous ne la prions, elle se moquera de nous.
  12. Alors Bagoas, sortant de la présence d'Holoferne, vint auprès de Judith et lui dit : Belle fille, ne faites point de difficulté de venir vers mon seigneur pour être mise en honneur en sa présence, et boire joyeusement avec nous, et agir aujourd'hui à la manière des Assyriens, qui sont de la maison de Nabuchodonozor.
  13. Judith lui répondit : Et qui suis-je, moi, pour rien refuser à mon seigneur ?
  14. Tout ce qui lui plaira, je le ferai en diligence, et cela me fera une grande joie jusqu'au jour de ma mort.
  15. Ainsi elle se leva et se para de ses habits et de tous ses joyaux, et sa servante vint pour lui étendre à terre, en la présence d'Holoferne, les carreaux que Bagoas leur avait donnés pour son usage de tous les jours, afin de manger étant assise sur eux.
  16. Or, quand Judith fut venue et se fut assise, le cœur d'Holoferne en fut ravi. Et son cœur tressaillait, et il convoitait ardemment d'avoir sa compagnie. Car il avait observé le temps de la solliciter depuis le jour qu'il l’avait vue.
  17. Ainsi Holoferne lui dit : Bois, je te prie, et sois joyeuse avec nous.
  18. Alors Judith lui dit : Je boirai, seigneur, car ma vie est aujourd'hui élevée en honneur plus qu'en aucun temps depuis ma naissance.
  19. Puis elle prit de ce que sa servante lui avait apprêté, et en mangea, et but en sa présence.
  20. Et Holoferne, se réjouissant à cause d'elle, but une grande quantité de vin, plus qu'il n'en avait jamais bu de sa vie en un jour. 

CHAPITRE XIII.

Judith invoque le Seigneur, coupe la tête à Holoferne, 12. Et s’en retourne à Béthulie, 15. Le peuple la reçoit avec une grande joie, et rend grâce au Seigneur d’un tel bienfait. 

  1. Or, comme il était déjà tard, ses gens se hâtèrent de se retirer, et Bagoas ferma sa tente par dehors, donnant congé à tous ceux qui étaient là présents,
  2. Lesquels s'en allèrent chacun en son lit ; car ils étaient tous las, parce que le banquet avait duré longtemps.
  3. Et Judith fut laissée seule dans la tente avec Holoferne, étendu sur son lit ; car il était rempli de vin.
  4. Or Judith avait commandé à sa servante de se tenir hors de la chambre et d'attendre qu'elle sortît, selon qu'elle avait accoutumé chaque jour ; car elle dit qu'elle sortirait pour faire sa prière.
  5. Elle avait aussi averti Bagoas de ces mêmes choses ; ainsi tous se retirèrent d'avec elle, et nul ne demeura dans la chambre, ni petit ni grand.
  6. Alors Judith, se tenant près du lit d'Holoferne, dit en son cœur :
  7. O Seigneur, Dieu de toute puissance ! regarde à cette heure-ci sur les œuvres de mes mains pour exalter Jérusalem. Car voici le temps de secourir ton héritage et d'exécuter mes entreprises, pour blesser les ennemis qui se sont élevés contre nous.
  8. Puis, s'approchant du pilier du lit, qui était vers la tête d'Holoferne,
  9. Elle en tira son cimeterre et, venant au lit, elle empoigna les cheveux de sa tête, en disant : Fortifie-moi aujourd'hui, Seigneur, Dieu d’Israël !
  10. Et elle frappa sur son cou deux fois de toute sa force, tellement qu'elle lui emporta la tête. Et après, elle roula son corps du lit en bas et ôta le pavillon de dessus les colonnes.
  11. Puis, un peu après, elle sortit et donna à sa servante la tête d'Holoferne, laquelle elle mit dans le sac de ses viandes.
  12. Ainsi elle deux sortirent ensemble, selon leur coutume, pour faire leur oraison, et, ayant passé par le camp, elles tournèrent par la vallée, et montant par la montagne de Béthulie, elles vinrent à ses portes.
  13. Et Judith dit de loin aux gardes des portes : Ouvrez hardiment la porte, ouvrez. Dieu, notre Dieu est avec nous pour faire encore vertu dans Jérusalem et opérer puissamment contre les ennemis, comme il a fait aujourd'hui.
  14. Quand les hommes de la ville eurent ouï sa voix, incessamment ils descendirent à la porte de leur ville et ils assemblèrent les anciens de la ville.
  15. Et tous accoururent, depuis le plus petit jusqu'au plus grand, car ce leur était une chose incroyable qu'elle fût venue. Alors ils ouvrirent les portes et les reçurent.
  16. Puis, ayant allumé du feu pour voir, ils se mirent à l'entour d'elles.
  17. Alors Judith s'écria à haute voix : Louez Dieu, louez Dieu ! Car il n'a point détourné sa miséricorde de la maison d'Israël.
  18. Mais il a défait nos ennemis ! par ma main cette nuit.
  19. Et, tirant la tête hors du sac, elle la leur montra et dit : Voici, la tête d'Holoferne, capitaine-général de l'armée des Assyriens, et voici le pavillon où il dormait plongé dans ses ivrogneries. Le Seigneur l'a frappé par la main d'une femme.
  20. Le Seigneur est vivant, qui m'a gardée dans la voie par laquelle j'ai marché ; car mon regard a séduit Holoferne à sa perdition, et il n'a point commis de péché avec moi, aucune impureté ni rien de malhonnête.
  21. Alors le peuple fut extrêmement étonné.
  22. Et, s'inclinant, ils adorèrent Dieu et dirent tous d'un accord : O notre Dieu ! Béni sois-tu, de ce que, tu as anéanti aujourd'hui les ennemis de ton peuple.
  23. Après, Ozias dit : Ô fille, tu es bénie devant le Dieu souverain par-dessus toutes les femmes qui sont sur la terre.
  24. Béni soit le Seigneur Dieu, créateur du ciel et de la terre,
  25. Lequel t'a dirigée pour frapper la tête du capitaine de nos ennemis ; car ton espérance ne sera jamais ôtée du cœur des hommes, qui se souviendront de la force de Dieu à perpétuité. Que Dieu te tourne ceci à louange éternelle et te veuille récompense puisque tu n'as point épargné ta vie pour l'affliction de notre nation ; mais tu as subvenu à notre ruine, marchant droit devant notre Dieu. Et tout le peuple dit : Ainsi soit-il ! ainsi soit-il ! 

CHAPITRE XIV.

Judith conseille que la tête d’Holoferne soit pendue aux créneaux de la murailles, 6. Elle raconte ses exploits à Achior, 9. Qui se convertit à Dieu ; 11. Les assyriens sont troublés à l’ouïe de la mort d’Holoferne. 

  1. Alors Judith leur dit : Écoutez-moi aussi, mes frères. Prenez cette tête et pendez-la au plus haut de votre muraille.
  2. Et, dès que le point du jour luira, et que le soleil sera levé sur la terre, que chacun prenne ses armes, et que tous les plus vaillants d'entre vous sortent de la ville, et vous leur donnerez un capitaine, afin qu'ils s'en aillent comme voulant descendre dans la plaine sur le guet des Assyriens ; toutefois qu'ils n'y descendent point.
  3. Alors ceux-ci, prenant leurs armes, s'en iront à leur camp pour réveiller les capitaines de l'armée des Assyriens,
  4. Qui courront à la tente d'Holoferne et ne le trouveront point, et la frayeur les saisira.
  5. Et ils s'enfuiront de devant vous, et vous alors, les poursuivant avec tous les habitants des montagnes d'Israël, vous les accablerez comme ils passeront.
  6. Mais, avant que de faire cela, appelez-moi Achior Ammonite, afin qu'il voie et reconnaisse celui qui a méprisé la maison d'Israël et qui l'a envoyé vers nous comme à la mort.
  7. On appela donc Achior de la maison d'Ozias, lequel, étant venu et voyant la tête d'Holoferne dans la main d'un homme au milieu de l'assemblée du peuple, tomba le visage en terre, et le cœur lui manqua ; mais, quand on l'eut relevé, il se jeta aux pieds de Judith, disant : Tu es digne d'être louée dans toutes les tentes de Juda et entre tous les peuples, qui, entendant ta renommée, seront étonnés.
  8. Maintenant donc déclare-moi toutes les choses que tu as faites en ces jours. Alors Judith lui raconta, au milieu du peuple, toutes les choses qu'elle avait faites depuis le jour qu'elle était sortie jusqu'à l'heure présente qu'elle parlait à eux. Et, quand elle eut achevé de parler, le peuple s'écria à haute voix, et ils jetaient des cris de réjouissance par leur ville.
  9. Et Achior, voyant toutes les choses que le Dieu d'Israël avait faites, crut fortement à Dieu, et circoncit la chair de son prépuce, et fut joint à la maison d'Israël jusqu'aujourd'hui.
  10. Aussitôt après que le point du jour fut levé, ils pendirent la tête d'Holoferne à la muraille, et chacun prit ses armes, et ils sortirent, en tournoyant jusqu'au lieu par où on commence à monter la montagne.
  11. Ce que les Assyriens voyant, ils le firent savoir à leurs capitaines, qui vinrent aux colonels, et aux principaux, et à tous ceux qui avaient le commandement sur eux.
  12. Et ils vinrent à la tente d'Holoferne, disant à son principal maître d'hôtel : Réveille notre seigneur ; car ces esclaves ont pris la hardiesse de descendre contre nous en bataille, afin qu'ils soient entièrement défaits.
  13. Alors Bagoas entra et frappa à la porte de la tente, parce qu'il pensait qu'il dormait avec Judith
  14. Mais, parce que nul ne répondait, poussant la porte, il entra dans la chambre et trouva Holoferne jeté mort sur le pavé, et que la tête lui était ôtée. Et, s'écriant à haute voix avec des pleurs, et des gémissements, et de grands cris, il déchira ses vêtements.
  15. Après il entra dans la tente où Judith avait accoutumé d'habiter, et ne la trouva point. Ainsi il sortit dehors vers le peuple
  16. Et s'écria : Ces esclaves ont fait une lâcheté. Une femme hébreux a déshonoré la maison du roi Nabuchodonozor. Car voici Holoferne à terre, et il n'a point de tête.
  17. Les capitaines des Assyriens, entendant ces paroles, déchirèrent aussi leurs vêtements, et leur cœur fut troublé.
  18. Et il y eut un grand cri et un fort grand bruit parmi le camp. 

CHAPITRE XV.

Les assyriens s’enfuient tous effrayés, et les israélites les poursuivent et pillent leur camp, 4. Joakim grand sacrificateur vient à Béthulie pour visiter Judith. 

  1. Ceux qui étaient dans les tentes, entendant ces nouvelles, furent comme hors d'eux-mêmes de ce qui était arrivé, et la crainte et la frayeur tomba sur eux,
  2. Tellement qu'il n'y avait aucun homme qui sût tenir son rang ; mais tous ensemble épouvantés s'enfuyaient tant par le chemin de la plaine que par celui de la montagne. Ceux aussi qui avaient campé dans la montagne pour environner Béthulie, prirent la fuite.
  3. Alors ceux d'entre les Israélites qui étaient gens de guerre, se jetèrent sur eux.
  4. Ozias aussi envoya à Béthomes tam, à Bebai, à Cobé, et à Cola, et dans toute la contrée d'Israël pour faire savoir ce qui était arrivé, afin que tous se jetassent sur les ennemis pour les défaire.
  5. Les Israélites donc, ayant entendu ces nouvelles, se jetèrent sur eux d'un commun accord et les défirent jusqu'à Cobé. Ceux-là aussi qui étaient venus de Jérusalem et de toute la montagne, avec ceux du pays de Galaad et de Galilée, après qu'on leur eut appris ce qui était arrivé au camp de leurs ennemis, en défirent un grand nombre, les poursuivant jusqu'à Damas et à ses limites.
  6. Mais le reste des habitants de Béthulie se jeta sur le camp des Assyriens, et le pillèrent, et y trouvèrent de grandes richesses.
  7. Et les enfants d'Israël, étant retournés de la défaite, eurent le reste de la conquête, tellement que les bourgs et les villes, tant de la montagne que de la plaine, eurent un grand butin ; car le pillage était fort grand.
  8. Après cela, Joakim, grand sacrificateur, et le conseil des enfants d'Israël qui habitaient à Jérusalem, vinrent pour considérer les bienfaits que Dieu avait faits à Israël, et pour voir Judith et la saluer,
  9. Lesquels, étant entrés vers elle, la bénirent d'un commun accord et lui dirent : Tu es l'exaltation de Jérusalem, la grande gloire d'Israël, la magnificence de notre nation.
  10. Tu as fait toutes ces choses par ta main. Tu as fait beaucoup de bien à Israël, et tel a été le bon plaisir de Dieu envers eux. Bénie sois-tu devant le Seigneur tout puissant à jamais !
  11. Et tout le peuple dit : Ainsi soit-il !
  12. Ainsi donc le peuple fut trente jours à piller le camp.
  13. Et ils donnèrent à Judith la tente d'Holoferne avec toute sa vaisselle d'argent, ses lits, ses bassins et tout son bagage, laquelle en chargea ses mulets et ses chariots.
  14. Cependant toutes les femmes d'Israël accouraient pour la voir, et la bénissaient, et firent une danse entre elles à son honneur. Alors elle prit en ses mains des guirlandes et en donna aussi aux femmes qui étaient avec elle ; elles aussi lui firent une couronne d’oliviers et à celle qui l'avait accompagnée. Ainsi elle vint devant le peuple en dansant, marchant devant toutes les femmes, et tous les Israélites suivaient en armes avec des couronnes et des cantiques dans leur bouche. 

CHAPITRE XVI.

Cantique d’actions de grâce touchant la délivrance donnée au peuple d’Israël. Judith dédie le bagage d’Holoferne au Seigneur, 24. Et se réjouit avec les autres juifs à Jérusalem, 28. Puis mourant en bonne vieillesse et regrettée de tous. 

  1. Alors Judith commença ce cantique pour une confession de louange dans tout Israël, et tout le peuple chantait après elle à haute voix cette louange.
  2. Judith donc dit : Commencez à l'honneur de mon Dieu avec des tambours, chantez à mon Seigneur avec des cymbales, chantez-lui des psaumes avec harmonie, exaltez sa louange et réclamez son nom.
  3. Car c'est le Dieu qui anéantit les guerres ;
  4. Qui a dressé son camp au milieu du peuple, et qui m'a délivrée de la main de ceux qui me persécutaient.
  5. Assur est venu des montagnes du côté de l'Aquilon ; il est venu avec les milliers de son armée, dont la multitude a épuisé les torrents, et la cavalerie a couvert les vallées.
  6. Il se vantait de brûler mon pays, de mettre mes jeunes gens au fil de l'épée, de froisser contre terre mes enfants qui allaitaient, de saccager mes petits-enfants et de ravir mes vierges.
  7. Le Seigneur tout-puissant les a frustrés de leurs entreprises par la main d'une femme.
  8. Car le fort n'est pas tombé par la main des jeunes gens, et des fils de géants ne l'ont point frappé, de robustes géants ne l'ont point attaqué ; mais Judith, fille de Mérari, l'a défait par la beauté de Son Visage.
  9. Car elle a dépouillé la robe de son veuvage pour relever ceux qui étaient oppressés en Israël.
  10. Elle a oint son visage d'huile et a agencé ses cheveux dans sa coiffe, elle a pris une robe de lin pour le tromper.
  11. Ses patins ont ravi ses yeux, et sa beauté a pris son âme prisonnière ; le cimeterre a passé par son cou.
  12. Les Perses ont tremblé de sa hardiesse, et les Mèdes ont été effrayés de son audace.
  13. Alors mes affligés se sont égayés, et mes faibles se sont écriés, et ils en ont été étonnés ; ils ont élevé leurs voix, ils ont été renversés.
  14. Les fils des jeunes femmes les ont percés et les ont blessés à mort comme fugitifs. Ils ont péri sous la froissure de mon Dieu.
  15. Je chanterai au Seigneur des hymnes et des louanges.
  16. Seigneur tu es grand et glorieux admirable en force et invincible.
  17. Que toutes tes créatures te servent ; car tu as dit le mot, et elles ont été faites. Tu as envoyé ton Esprit, et il les a formées, et il n’y a nul qui résiste à ta voix.
  18. Car les montagnes tressaillent de leurs fondements avec les eaux, les rochers découlent comme la cire en ta présence.
  19. Néanmoins tu seras favorable à ceux qui te craignent. Car c'est peu de chose que tout sacrifice odoriférant et peu de chose que la graisse brûlée en holocauste ; mais celui qui craint le Seigneur, est de grand prix à toujours.
  20. Malheur aux gens qui s'élèvent contre ma nation ! Le Seigneur tout puissant en fera la vengeance au jour du jugement,
  21. Envoyant du feu et des vers sur leurs corps, dont le sentiment les fera lamenter à jamais.
  22. Puis, quand ils furent entrés à Jérusalem, ils adorèrent le Seigneur, et incontinent le peuple, s'étant purifié, offrit des holocaustes, et des oblations volontaires, et leurs dons.
  23. Judith aussi dédia tout le bagage d'Holoferne que le peuple lui avait donné. Et du pavillon qu'elle avait pris de sa chambre, elle fit une oblation sacrée au Seigneur.
  24. Ainsi le peuple se réjouit à Jérusalem devant le sanctuaire l'espace de trois mois.
  25. Et Judith y demeura avec eux. Après cela, chacun retourna chez soi, et Judith aussi revint à Béthulie, et demeura dans son bien tout le temps de sa vie, étant fort honorée dans tout le pays.
  26. Plusieurs désirèrent de l'avoir, mais jamais homme n'eut sa compagnie, tant que dura sa vie depuis l'heure de la mort de son mari Manassés.
  27. Après elle fut recueillie avec son peuple, ayant été fort élevée en grandeur.
  28. Elle vieillit donc en la maison de son mari, ayant vécu jusqu'à l'âge de cent cinq ans. Et elle donna la liberté à sa servante. Après cela, elle mourut à Béthulie, et on l'ensevelit au sépulcre de son mari Manassés.
  29. Et toute la maison d'Israël la pleura sept jours, et, avant que de mourir, elle distribua ses biens aux plus proches parents de Manassés son mari et aussi à ses parents.
  30. Et, durant tout le temps qu'elle vécut, il n'y eut personne qui épouvantât Israël jusque longtemps après sa mort.