ARGUMENT
Habacuc a prophétisé peu avant la prise de Jérusalem, à peu près dans le même temps que Jérémie. Il prédit que Dieu, offensé par les péchés de son peuple, allait les livrer aux Caldéens leurs ennemis et qu’ensuite les Caldéens éprouveraient aussi sa vengeance.
Chapitres CHAPITRE I. CHAPITRE II. CHAPITRE III. LIVRES DU VIEUX TESTAMENT.
Dans le premier chapitre, Habacuc fait trois choses. I. Il se plaint de ce que la corruption des Juifs était parvenue à son comble. II. Il dit que Dieu ferait venir contre eux les Caldéens. III. Il prie Dieu de ne pas abandonner son peuple, de venger les maux qu’on lui faisait et de ne pas souffrir que ses ennemis en triomphassent, ni qu’ils attribuassent leurs victoires à leur propre force et à leurs idoles.
1 Prophétie révélée au prophète Habacuc.
2 Ô Éternel ! jusqu’à quand crierai-je, sans que tu écoutes ? Jusqu’à quand crierai-je vers toi, à cause de la violence, sans que tu délivres ?
3 Pourquoi me fais-tu voir l’iniquité et la perversité ? Pourquoi me fais-tu voir la désolation et la violence devant moi, et des gens qui élèvent des débats et des querelles ?
4 C’est pourquoi la loi est affaiblie, et le droit n’est jamais soutenu ; car le méchant environne le juste ; à cause de cela on prononce un jugement pervers.
5 Regardez parmi les nations, et voyez, et soyez extrêmement étonnés ; car je vais faire une œuvre de votre temps, que vous ne croirez point quand on vous la récitera.
6 Car voici, je vais susciter les Caldéens, qui sont une nation cruelle et impétueuse qui marche tout au travers du pays, pour posséder des tentes qui ne lui appartiennent pas.
7 Elle est affreuse et terrible ; son gouvernement et son élévation viendra d’elle-même.
8 Ses chevaux sont plus légers que les léopards, et ils ont la vue plus aiguë que les loups du soir ; sa cavalerie se répandra de toutes parts, et ses cavaliers viendront de loin ; ils voleront comme un aigle qui se hâte pour se repaître.
9 Elle viendra tout entière pour ravir ; ce qu’ils engloutiront de leurs regards sera porté vers l’Orient, et elle amassera les prisonniers comme du sable.
10 Elle se moque des rois, et elle se rit des princes ; elle se rit de toutes les forteresses ; elle fera des terrasses, et elle les prendra.
11 Alors elle renforcera son courage, elle passera outre, et elle se rendra coupable, en disant, que cette puissance qu’elle a vient de son dieu.
12 N’es-tu pas de toute éternité ? ô Éternel, mon Dieu, mon Saint ! Nous ne mourrons point, ô Éternel ! Tu l’as mis pour exercer tes jugements, et toi, ô mon rocher ! tu l’as établi pour châtier.
13 Tu as les yeux trop purs pour voir le mal ; et tu ne saurais prendre plaisir à voir la violence. Pourquoi verrais-tu les perfides, et te tairais-tu quand le méchant dévore celui qui est plus juste que lui ?
14 Aurais-tu fait les hommes comme les poissons de la mer, et comme le reptile qui n’a point de dominateur ?
15 Il a tout enlevé avec son hameçon ; il l’a amassé dans son filet et l’a assemblé dans ses rets ; c’est pourquoi il se réjouira et triomphera.
16 Il sacrifiera à son filet, et encensera à ses rets, parce que sa portion sera devenue grasse par leur moyen, et que sa viande sera succulente.
17 Videra-t-il pour cela son filet, et ne cesser a-t-il jamais de détruire les nations ?
REFLEXIONS
Voici les réflexions qu’il faut faire sur les trois parties de ce chapitre.
I. La première regarde l’état où les Juifs étaient peu avant leur ruine. Les plaintes par où Habacuc commence sa prophétie montrent, qu’on ne voyait alors que violence et qu’injustice parmi eux ; la loi n’y avait plus de force, la justice y était foulée aux pieds, et il s’y commettait toute sortes de crimes. Ce fut la véritable cause des maux qui fondirent sur eux et c’est ainsi que Dieu a accoutumé de punir ceux qui s’abandonnent au crime et à l’impiété.
II. Dans la description que le prophète fait de la venue des Caldéens, de leur cruauté et des ravages qu’ils feraient dans la Judée, il faut considérer, non pas tant la puissance et la cruauté des Caldéens, comme la justice de Dieu qui se servit d’eux pour la punition des Juifs.
III. La prière qu’Habacuc adresse au Seigneur pour implorer son secours contre l’orgueil et l’injustice du roi des Caldéens, qui s’applaudissait de ses conquêtes et les attribuerait à ses idoles, nous apprend à recourir à Dieu dans les besoins et dans les dangers où nous pouvons nous rencontrer et à le faire surtout avec un grand zèle et avec une confiance particulière lorsqu’il s’agit des intérêts de sa gloire.
Cette prière nous enseigne aussi que Dieu est juste, qu’il a les yeux trop purs pour voir le mal qu’on fait aux autres, qu’il ne peut souffrir la violence et l’injustice et qu’il est engagé par sa propre gloire à confondre les orgueilleux et tous ceux qui s’élève avec fierté contre lui.
Le prophète ayant prié pour les Juifs dans le chapitre précédent, Dieu lui répond dans celui-ci. Il l’assure que, quoique la délivrance de son peuple et la punition des Babyloniens fût différée pour quelque temps, elle arriverait infailliblement, que les Babyloniens seraient punis de leurs cruautés, de leurs dissolutions et surtout de leur impiété et de leur idolâtrie et qu’il paraîtrait que c’était en vain qu’ils se confiaient en leurs faux dieux.
1 Je me tenais en sentinelle, je me tenais debout dans la forteresse, et je regardais pour voir ce qui me serait dit, et ce que je répondrais à celui qui me reprend.
2 Et l’Eternel me répondit et me dit : Ecris la vision, et marque-la lisiblement sur des tablettes, afin qu’on la lise couramment.
3 Car la vision est encore différée jusqu’à un temps déterminé ; elle se manifestera à la fin, et elle ne trompera point. S’il diffère, attends-le, car il viendra assurément, et il ne tardera pas.
4 Voici, l’âme de celui qui s’élève n’est point droite en lui ; mais le juste vivra de sa foi.
5 Et comme l’homme adonné au vin est prévaricateur, l’orgueilleux ne demeurera pas dans son état, parce qu’il élargit son âme comme le sépulcre, qu’il est insatiable comme la mort, qu’il rassemble vers lui toutes les nations, et qu’il s’assujettit tous les peuples.
6 Tous ceux-là ne feront-ils pas un proverbe de lui, et des railleries ingénieuses ? Et ne dira-t-on pas : Malheur à celui qui assemble ce qui ne lui appartient pas ! Jusqu’à quand amassera-t-il contre lui-même des monceaux de boue épaisse ?
7 N’y en aura-t-il pas qui s’élèveront tout d’un coup pour te mordre ; et ne s’en réveillera-t-il point qui te fassent courir çà et là, et dont tu deviennes la proie ?
8 Parce que tu as dépouillé plusieurs nations, tout le reste des peuples te dépouillera, à cause des meurtres des hommes, et de la violence que tu auras faite au pays, à la ville et à tous ses habitants.
9 Malheur à celui qui est convoiteux pour sa maison d’un mauvais gain, afin de mettre son nid dans un lieu élevé, pour être délivré de la main du méchant !
10 Tu as formé un dessein qui confondra ta maison ; qui est de consumer beaucoup de peuples, en péchant contre ton âme.
11 Car la pierre de la muraille criera, et la charpente lui répondra d’entre le bois.
12 Malheur à celui qui bâtit la ville avec le sang des hommes, et qui la fonde sur l’iniquité.
13 Voici, ceci ne vient-il pas de l’Eternel des armées, que les peuples travaillent pour assouvir le feu, et que les nations se lassent pour le néant ?
14 Mais la terre sera remplie de la connaissance de la gloire de l’Eternel, comme les eaux comblent la mer.
15 Malheur à celui qui fait boire son compagnon, lui approchant la bouteille et l’enivrant, afin qu’on voie leur nudité.
16 Tu auras encore plus de déshonneur, que tu n’as eu d’honneur ; bois aussi toi, et découvre-toi ; la coupe de la droite de l’Eternel fera le tour chez toi, et un vomissement infâme sera répandu sur ta gloire.
17 Car la violence que tu as exercée au Liban te couvrira, et le dégât fait par les grosses bêtes les rendra éperdus, à cause des meurtres des hommes, et de la violence faite au pays, à la ville et à tous ses habitants.
18 De quoi sert l’image taillée, que son ouvrier l’ait taillée, ou l’idole de fonte ? C’est un docteur de mensonge, quoique l’ouvrier qui fait des idoles muettes se confie en son ouvrage.
19 Malheur à ceux qui disent au bois : Réveille-toi ; et à la pierre morte : Réveille-toi. Enseignera-t-elle quelque chose ? Voici, elle est couverte d’or et d’argent ; toutefois, il n’y a aucun esprit dedans :
20 mais l’Eternel est dans le temple de sa sainteté. Toute la terre, tais-toi, et redoute sa présence.
REFLEXIONS
La lecture de ce chapitre doit nous apprendre premièrement, à attendre patiemment et avec une foi et une espérance ferme l’accomplissement des promesses de Dieu sans jamais perdre courage lorsqu’il diffère de les exécuter. C’est l’instruction que nous donne le prophète en disant : S’il diffère, attends-le, car il viendra assurément et ne tardera pas, le juste vivra par sa foi.
Le prophète marque expressément que la ruine des Babyloniens était infaillible et qu’elle serait causée par leur orgueil, par leurs extorsions et par leur idolâtrie.
Cela nous instruit du but que Dieu se propose dans ses jugements, c’est de faire la vengeance des crimes et de montrer qu’il est le Dieu souverain et le juge de tous les hommes.
Ces menaces d’Habacuc furent, au reste, accomplies, les Babyloniens éprouvèrent la vengeance divine comme les Assyriens l’avaient éprouvée avant eux et par ce moyen ces deux puissances redoutables qui avaient traité les Juifs avec tant de cruauté devinrent des exemples de la justice de Dieu à la vue de toute la terre.
Enfin, ce que le prophète dit de la punition que Dieu voulait faire des violences et des injustices du roi de Babylone doit être appliquée à tous ceux qui veulent s’élever et s’enrichir par des moyens criminels.
Ces paroles d’Habacuc : Malheur à celui qui est convoiteux pour sa maison d’un gain déshonnête doivent être bien considérées de même que ce qui est dit sur ce sujet dans ce chapitre.
Cette malédiction ne regarde pas moins les particuliers que les rois, elle menace tous ceux qui amassent du bien par de méchantes voies, l’expérience la vérifie tous les jours, la possession des biens mal acquis n’étant pas longue et attirant ordinairement sur les injustes et sur leur postérité toutes sortes de malheurs.
C’est ici un cantique dans lequel Habacuc célèbre, en des termes magnifiques, la grandeur de Dieu qui avait paru autrefois lorsqu’il publia la loi sur le mont Sinaï et dans les merveilles qu’il fit en détruisant les rois et les peuples du pays de Canaan et des environs et en établissant les enfants d’Israël dans ce pays-là. Le but de ce cantique était de consoler les Juifs et de les assurer pleinement que Dieu ne les abandonnerait point et qu’il emploierait encore sa puissance pour les délivrer de l’oppression des Caldéens.
1 Prière d’Habacuc le prophète sur Sigionoth.
2 Éternel ! j’ai entendu ce que tu m’as fait entendre, et j’ai été saisi de crainte. Ô Éternel ! entretiens ton ouvrage parmi le cours des années ; fais-le connaître d’âge en âge ; souviens-toi, lorsque tu es en colère, d’avoir compassion.
3 Dieu vint de Théman, et le Saint vint du mont de Paran. (Sélah.) Sa Majesté couvrait les cieux, et la terre fut remplie de sa louange.
4 Sa splendeur était comme la lumière même, et les rayons sortaient de ses mains ; c’est là que sa force était cachée.
5 La mortalité marchait devant lui, et les charbons sortaient à ses pieds.
6 Il s’arrêta et il mesura le pays ; il regarda et fit tressaillir les nations ; les montagnes anciennes furent brisées, et les coteaux anciens s’abaissèrent. Les chemins de l’univers sont à lui.
7 Je vis les tentes de Cusçan accablées de tourment ; les pavillons du pays de Madian furent ébranlés.
8 L’Éternel était-il courroucé contre les fleuves ? Ta colère était-elle contre les fleuves ? Ta fureur était-elle contre la mer, lorsque tu montas sur tes chevaux et sur tes chariots pour la délivrance de ton peuple ?
9 Ton arc fut entièrement épuisé de ses flèches, selon le serment que tu avais fait aux tribus d’Israël, et selon ta parole. (Sélah.) Tu fendis la terre en fleuves.
10 Les montagnes te virent, et en furent en travail ; l’impétuosité des eaux passa, l’abîme fit retentir sa voix, et il éleva ses mains en haut.
11 Le soleil et la lune s’arrêtèrent dans leur demeure ; ils marchèrent à la lueur de tes flèches, et à la splendeur de l’éclair de ta hallebarde.
12 Tu marchas sur la terre avec indignation ; et tu foulas les nations avec colère.
13 Tu sortis pour la délivrance de ton peuple, pour la délivrance avec ton oint ; tu transperças le chef, afin qu’il n’y en eût plus dans la maison du méchant, en découvrant le fondement jusqu’au cou. (Sélah.)
14 Tu perças avec ses bâtons le chef des habitants de ses bourgs, quand ils venaient comme une tempête pour me détruire ; ils se réjouissaient comme pour dévorer l’affligé en secret.
15 Tu marchas avec tes chevaux par la mer, par la fange des grandes eaux.
16 J’ai entendu, et mon ventre en a été ému ; mes lèvres ont tremblé à ta voix. La pourriture est entrée dans mes os, et j’ai tremblé en moi-même ; je serai en repos au jour de la détresse, auquel, en montant en faveur de son peuple, il le mettra en pièces.
17 Car le figuier ne poussera point, et il n’y aura point de fruit dans les vignes, ce que l’olivier produit manquera, et pas un champ ne produira rien à manger, les brebis seront retranchées du parc, et il n’y aura point de bœufs dans les étables.
18 Mais moi, je me réjouirai en l’Éternel, et je tressaillirai de joie au Dieu de ma délivrance.
19 L’Éternel, le Seigneur est ma force ; il rendra mes pieds semblables à ceux des biches, et me fera marcher sur mes lieux élevés. Au maître chantre, sur Néguinoth.
REFLEXIONS
Nous devons apprendre de ce cantique :
- En premier lieu, à nous souvenir des bienfaits de Dieu, à les méditer sans cesse et principalement à penser aux merveilles que Jésus-Christ notre Seigneur a faites pour nous racheter et qui surpassent de beaucoup celles que le prophète célèbre dans ce chapitre,
- En second lieu, la considération de tous ces effets de la puissance et de l’amour du Seigneur doit enflammer nos cœurs de reconnaissance et d’amour pour lui. Elle doit surtout nous remplir d’une ferme confiance en Dieu, dans les plus grandes adversités.
- Dieu, qui a donné dans tous les temps des preuves si éclatantes de sa puissance, de sa justice et de son amour pour son église et pour ses enfants est toujours le même ; ainsi il est impossible qu’il abandonne jamais ceux qui lui appartiennent et qui espèrent en lui.